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en descendant la clyde.

que le frère Sam et le frère Sib, qui raccompagnaient, lui répondant, approuvant ses observations, confirmant ses remarques, ne devaient pas prendre une heure de repos entre Glasgow et Oban. D’ailleurs, ils ne songeaient point à s’en plaindre, cela rentrait dans leur fonction de gardes-du-corps, et ils suivaient d’instinct, en échangeant quelques bonnes prises, qui les maintenaient en belle humeur.

Dame Bess et Partridge, ayant pris place à la partie antérieure du spardeck, causaient amicalement du temps passé, des usages perdus, des vieux clans en désorganisation. Où étaient ces siècles d’autrefois à jamais regrettables ? À cette époque, les purs horizons de la Clyde ne disparaissaient pas derrière l’expectoration carbonifère des usines, ses rives ne retentissaient pas du coup sourd des marteaux-pilons, ses eaux calmes ne se troublaient jamais sous l’effort de quelques milliers de chevaux-vapeur !

« Ce temps reviendra, et peut-être plus tôt qu’on ne le pense ! dit dame Bess d’un ton convaincu.

— Je l’espère, répondit gravement Partridge, et avec lui nous reverrons les vieilles coutumes de nos ancêtres ! »

Cependant les bords de la Clyde se déplaçaient rapidement de l’avant à l’arrière du Columbia, comme les sites d’un panorama mouvant. À droite, se montrèrent le village de Patrick, sur l’embouchure du Kelvin, et les vastes docks, destinés à la construction des navires en fer, qui font vis-à-vis à ceux de Govan, situés sur la rive opposée. Que de bruits de ferraille, que de volutes de fumée et de vapeur, si déplaisants aux oreilles et aux yeux de Partridge et de sa compagne !

Mais tout ce fracas industriel, tout ce brouillard de charbon, allait cesser peu à peu. À la place des chantiers, des cales couvertes, des hautes cheminées de fabriques, de ces gigantesques échafaudages de fer, qui ressemblent aux cages d’une ménagerie de mastodontes, apparurent de coquettes habitations, des cottages enfouis sous les arbres, des villas du type anglo-saxon, dispersées sur les collines vertes. C’était comme une succession ininterrompue de maisons de campagne et de châteaux, qui se déroulait d’une cité à l’autre.

Après l’ancien bourg royal de Renfrew, situé sur la gauche du fleuve, les collines boisées de Kilpatrick se profilèrent, à droite, au-dessus du village de ce nom, devant lequel un Irlandais ne peut passer sans se découvrir : là est né saint Patrice, le protecteur de l’Irlande.