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olivier sinclair.

« Le Rayon-Vert ! s’écria Olivier Sinclair.

— L’auriez-vous déjà vu, monsieur ? demanda vivement la jeune fille, l’auriez-vous déjà vu ?

— Non, miss Campbell, répondit Olivier Sinclair. Savais-je seulement qu’il y eût quelque part un Rayon-Vert ! Non ! en vérité ! Eh bien, moi aussi, je veux le voir ! Le soleil ne disparaîtra plus sous l’horizon sans qu’il ne m’ait pour témoin de son coucher ! Et, par saint Dunstan, je ne peindrai plus jamais qu’avec le vert de son dernier rayon ! »

Il était difficile de savoir si Olivier Sinclair ne parlait pas avec une légère pointe d’ironie, ou s’il se laissait entraîner par le côté artiste de sa nature. Toutefois, un certain pressentiment dit à miss Campbell que le jeune homme ne plaisantait pas.

« Monsieur Sinclair, reprit-elle, le Rayon-Vert n’est pas ma propriété ! Il luit pour tout le monde ! Il ne perd rien de sa valeur, parce qu’il se montre à plusieurs curieux à la fois ! Nous pourrons donc, si vous le voulez, essayer de le voir ensemble.

— Très volontiers, miss Campbell.

— Mais il faut y mettre beaucoup de patience.

— Nous en mettrons…

— Et ne pas craindre de se faire mal aux yeux, dit le frère Sam.

— Le Rayon-Vert vaut bien la peine qu’on risque cela pour lui, répliqua Olivier Sinclair, et je ne quitterai pas Oban sans l’avoir aperçu, je vous le promets.

— Une fois déjà, dit miss Campbell, nous nous sommes rendus à l’île Seil pour observer ce rayon, mais un petit nuage est venu voiler l’horizon, juste au moment où le soleil se couchait.

— Voilà une fatalité !

— Une véritable fatalité, monsieur Sinclair, car depuis ce jour nous n’avons jamais revu un ciel suffisamment net.

— Cela se retrouvera, miss Campbell ! L’été n’a pas encore dit son dernier mot, et, avant le retour de la mauvaise saison, croyez-moi, le soleil nous aura fait l’aumône du Rayon-Vert.

— Pour tout vous avouer, monsieur Sinclair, reprit miss Campbell, nous l’aurions certainement aperçu, dans la soirée du 2 août, à l’horizon même de la passe du Corryvrekan, si notre attention n’eût été détournée par un certain sauvetage…