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Qui pourrait croire, cependant, que Iona a été le berceau de la religion des Druides, aux premiers temps de l’histoire Scandinave ? Qui s’imaginerait qu’après eux, au sixième siècle, saint Columban, — l’Irlandais dont elle porte aussi le nom, — y fonda, pour enseigner la nouvelle religion du Christ, le premier monastère de toute l’Écosse, et que des moines de Cluny vinrent l’habiter jusqu’à la Réforme ! Où chercher maintenant les vastes bâtiments, qui furent comme le séminaire des évêques et des grands abbés du Royaume-Uni ? Où retrouver, au milieu des débris, la bibliothèque, riche en archives du passé, en manuscrits relatifs à l’histoire romaine, et dans laquelle venaient utilement puiser les érudits de l’époque ? Non ! à l’heure présente, rien que des ruines, là où la civilisation, qui devait si profondément modifier le nord de l’Europe, avait pris naissance. De la Sainte-Columba d’autrefois, il ne reste que la Iona actuelle, avec quelques rudes paysans, qui arrachent péniblement à sa terre sablonneuse une médiocre récolte d’orge, de pommes de terre et de blé, avec les rares pêcheurs, dont les chaloupes vivent des eaux poissonneuses des petites Hébrides !

« Miss Campbell, dit Aristobulus Ursiclos d’un ton dédaigneux, au premier aspect, trouvez-vous que cela vaille Oban ?

— Cela vaut mieux ! » répondit miss Campbell, bien qu’elle pensât, sans doute, qu’il allait y avoir un habitant de trop dans l’île.

Cependant, à défaut de casino ou d’hôtel, les frères Melvill découvrirent une sorte d’auberge, presque passable, où descendent les touristes, qui ne se contentent pas du temps que le bateau leur laisse pour visiter les ruines druidiques et chrétiennes d’Iona. Ils purent donc s’installer le jour même aux Armes de Duncan, tandis qu’Olivier Sinclair et Aristobulus Ursiclos se logeaient, tant bien que mal, chacun dans une cabane de pêcheur.

Mais telle était la disposition d’esprit de miss Campbell, qu’en sa petite chambre, devant sa fenêtre ouverte à l’ouest sur la mer, elle se trouvait aussi bien que sur la terrasse de la haute tour d’Helensburgh, mieux, à coup sûr, que dans le salon de Caledonian Hotel. De là, l’horizon se développait sous ses yeux, sans qu’aucun îlot en rompît la ligne circulaire, et avec un peu d’imagination, elle aurait pu apercevoir, à trois mille milles, la côte américaine, de l’autre côté de l’Atlantique. Vraiment, le soleil avait là un beau théâtre pour s’y coucher dans toute sa splendeur !

La vie commune s’organisa donc facilement et simplement. Les repas se prenaient en commun dans la salle basse de l’auberge. Suivant l’ancienne cou-