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dix heures en chasse.

tissement barbare ! » Or, il se trouva que, parmi les quelques amis que je comptais à Amiens, il y en avait un, chasseur déterminé, mais charmant garçon, quoique fonctionnaire. Seulement, s’il se disait quelque peu rhumatisant, lorsqu’il s’agissait d’aller à son bureau, il se retrouvait singulièrement ingambe, quand un congé de huit jours lui permettait de faire l’ouverture.

Cet ami se nommait Brétignot.

Quelques jours avant la grande date, Brétignot vint me trouver, moi qui ne pensais à mal.

« Vous n’avez jamais chassé ? me dit-il avec ce ton de supériorité qui comprend deux parties de bienveillance contre huit de dédain.

— Jamais, Brétignot, répondis-je, et je n’ai point la pensée de…

— Eh bien, venez donc faire l’ouverture avec moi, répondit Brétignot. Nous avons sur la commune d’Hérissart deux cents hectares réservés, où le gibier pullule ! J’ai le droit d’amener un invité. Donc, je vous invite et je vous emmène !

— C’est que… fis-je en hésitant.

— Vous n’avez pas de fusil ?

— Non, Brétignot, et n’en ai jamais eu.

— Qu’à cela ne tienne ! Je vous en prêterai un, — un fusil à baguette, il est vrai, mais qui vous boule tout de même un lièvre à quatre-vingts pas !

À la condition de l’atteindre ! répliquai-je.

— Naturellement ! — Ce sera assez bon pour vous.

— Trop bon, Brétignot !

— Par exemple, vous n’aurez pas de chien !

— Oh ! inutile, du moment qu’il y en a un à mon fusil !.. Cela ferait double emploi ! »

L’ami Brétignot me regarda d’un air moitié raisin, moitié figue. Il n’aime pas, cet homme, que l’on plaisante ainsi des choses de chasse. C’est sacré, cela !

Cependant, son sourcil se défronça.