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dix heures en chasse.

avant d’avoir mangé. Mais les maîtres de l’art, — que je réveillai respectueusement l’un après l’autre, — calmèrent en bougonnant mes impatiences de néophyte. Ils savaient, les malins, qu’au jour naissant le perdreau, dont les ailes sont encore humides de rosée, est très difficile à approcher, et que, s’il s’envole, il ne se décide pas volontiers à se remettre dans les couverts.

Il fallut donc attendre que toutes les larmes de l’aurore eussent été bues par le soleil.

Enfin, après un déjeuner sommaire, suivi de l’inévitable coup du matin, on

quitta l’auberge, en se grattant aux jointures ;

puis, on se dirigea vers la plaine, où commençaient les terrains réservés.

Au moment où nous atteignions cette lisière, Brétignot, me tirant à part, me dit :

« Tenez bien votre fusil, obliquement, le canon dirigé vers la terre, et tâchez de ne tuer personne !

— Je ferai de mon mieux, répondis-je sans vouloir m’engager, mais à charge de revanche, n’est-ce pas ? »

Brétignot haussa dédaigneusement les épaules, et nous voilà en chasse, — chasse libre, — chacun à sa fantaisie.

C’est un assez vilain pays, cet Hérissart, dont la parfaite nudité ne justifie pas le nom. Mais il paraît que s’il n’est pas aussi giboyeux que Mont-sous-Vaudrey, les « forts » étaient bien fournis, qu’il « y avait du lièvre, » disait Matifat, et qu’on en avait vu s’y flâtrer « plus de douze à la douzaine ! » ajoutait Pontcloué.

Avec la perspective de si beaux coups à faire, tous ces braves gens étaient de bonne humeur.

On allait donc. Un temps superbe. Quelques flèches de soleil perçaient les brumes matinales, dont les volutes se massaient à l’horizon. Des cris, des pépiements, des gloussements partout. Il y avait de ces oiseaux qui, s’élevant