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l’école des robinsons

— Assurément… les voyages !… répondit Tartelett, qui semblait ne pas vouloir comprendre.

— Oui !… assurément !… reprit William W. Kolderup, non seulement les voyages mettront en relief les talents de mon neveu, mais aussi les talents du professeur auquel il doit une tenue si correcte ! »

Jamais la pensée n’était venue à ce grand enfant qu’un jour il lui faudrait quitter San-Francisco, la Californie et l’Amérique pour courir les mers. Ces idées n’auraient pu entrer dans le cerveau d’un homme plus ferré sur la chorégraphie que sur les voyages, et qui en était encore à connaître les environs de la capitale dans un rayon de dix milles. Et maintenant on lui offrait, non ! on lui faisait entendre que, bon gré mal gré, il allait avoir à s’expatrier, à exécuter de sa personne, avec toutes les charges et inconvénients qu’ils comportent, ces déplacements conseillés par lui à son élève ! Il y avait là, certainement, de quoi troubler une cervelle aussi peu solide que la sienne, et l’infortuné Tartelett, pour la première fois de sa vie, sentit un frémissement involontaire dans les muscles de ses jambes, assouplis par trente-cinq ans d’exercices !

« Peut-être… dit-il, en essayant de rappeler sur ses lèvres ce sourire stéréotypé du danseur, qui s’était un instant effacé, peut-être… ne suis-je pas fait pour…

— Vous vous ferez ! » répondit William W. Kolderup, en homme avec lequel il n’y a pas à discuter.

Refuser, c’était impossible. Tartelett n’y pensait même pas. Qu’était-il dans la maison ? Une chose, un ballot, un colis, pouvant être expédié à tous les coins du monde ! Mais l’expédition en projet n’était pas sans le troubler quelque peu.

« Et quand doit s’effectuer le départ ? demanda-t-il en essayant de reprendre une position académique.

— Dans un mois.

— Et sur quelle mer orageuse monsieur Kolderup a-t-il décidé que le vaisseau emporterait mon élève et moi ?

— Sur le Pacifique, d’abord.

— Et sur quel point du globe terrestre aurai-je à poser le pied pour la première fois ?

— Sur le sol de la Nouvelle-Zélande, répondit William W. Kolderup. J’ai remarqué que les Néo-Zélandais n’arrondissent pas convenablement les coudes !… Vous les rectifierez ! »