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où godfrey fait comme tout autre naufragé

En jetant ce mot, Godfrey éprouva un vif serrement de cœur. La pensée ne lui était pas venue qu’il pût être dans une île ! Et cela était, cependant ! La chaîne terrestre, qui aurait pu le rattacher au continent, était brusquement rompue ! Il ressentait cette impression d’un homme endormi dans une embarcation entraînée à la dérive, qui se réveille sans avoir ni aviron ni voile pour regagner la terre !

Mais Godfrey se remit vite. Son parti fut pris d’accepter la situation. Quant aux chances de salut, puisqu’elles ne pouvaient venir du dehors, c’était à lui de les faire naître.

Il s’agissait, d’abord, de reconnaître aussi exactement que possible la disposition de cette île, que son regard embrassait dans toute son étendue. Il estima qu’elle devait mesurer environ soixante milles de circonférence, ayant à vue d’œil vingt milles de longueur du sud au nord, sur douze milles de largeur de l’est à l’ouest.

Quant à sa partie centrale, elle se dérobait sous la verdoyante épaisse forêt, qui s’arrêtait à la ligne de faîte dominée par le cône, dont le talus venait mourir au littoral.

Tout le reste n’était que prairie avec des massifs d’arbres, ou grève avec des rochers, projetant leurs dernières assises sous la forme de caps et de promontoires capricieusement effilés. Quelques criques découpaient la côte, mais n’auraient pu donner refuge qu’à deux ou trois barques de pêche. Seule, la baie au fond de laquelle le Dream avait fait naufrage mesurait une étendue de sept à huit milles. Semblable à une rade foraine, elle s’ouvrait sur les deux tiers du compas ; un bâtiment n’y aurait pas trouvé d’abri sûr, à moins que le vent n’eût soufflé de l’est.

Mais quelle était cette île ? De quel groupe géographique relevait-elle ? Appartenait-elle à un archipel, ou n’était-ce qu’un accident isolé dans cette portion du Pacifique ?

En tout cas, aucune autre île, grande ou petite, haute ou basse, n’apparaissait dans le rayon de vue.

Godfrey s’était relevé et interrogeait l’horizon. Rien sur cette ligne circulaire où se confondaient la mer et le ciel. Si donc il existait au vent ou sous le vent quelque île ou quelque côte d’un continent, ce ne pouvait être qu’à une distance considérable.

Godfrey fit appel à tous ses souvenirs en géographie, afin de deviner quelle était cette île du Pacifique. Par raisonnement, il arriva à ceci : le Dream,