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NAVIRE AU LARGE.

dit Gozzo, en lançant un de ces jurons polyglottes dont il accentuait toutes ses phrases. Nous n’aurons là qu’une felouque…

— Ou même un speronare ! » s’écria le caloyer, non moins désappointé que ses ouailles.

Si des cris de désappointement accueillirent ces deux observations, il est inutile d’y insister. Mais, quel que fût ce bâtiment, on pouvait déjà estimer qu’il ne devait pas jauger plus de cent à cent vingt tonneaux. Après tout, peu importait que sa cargaison ne fût pas énorme, si elle était riche. Il y a de ces simples felouques, de ces speronares même, qui sont chargés de vins précieux, d’huiles fines ou de tissus de prix. Dans ce cas, ils valent la peine d’être attaqués et rapportent gros pour une mince besogne ! Il ne fallait donc pas encore désespérer. D’ailleurs les anciens de la bande, très entendus en cette matière, trouvaient à ce bâtiment une certaine allure élégante, qui prévenait en sa faveur.

Cependant, le soleil commençait à disparaître derrière l’horizon dans l’ouest de la mer Ionienne ; mais le crépuscule d’octobre devait laisser assez de lumière, pendant une heure encore, pour que ce navire pût être reconnu avant la nuit close. D’ailleurs, après avoir doublé le cap Matapan, il venait d’arriver de deux quarts afin de mieux ouvrir l’entrée du golfe, et