Page:Verne - L’Archipel en feu, 1884.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

24
L’ARCHIPEL EN FEU.

comment, en dépit des faux signaux de ses compatriotes, il avait pu diriger la sacolève avec cette sûreté de main. D’ailleurs, il savait combien les Vityliens étaient sujets à caution. Déjà il les avait vus à l’œuvre. Et peut-être, en somme, ne désapprouvait-il pas leurs instincts de pillards, du moment qu’il n’avait point eu à en souffrir personnellement.

Mais, s’il les connaissait, Nicolas Starkos était également connu d’eux. Après la mort de son père, qui fut l’une de ces milliers de victimes de la cruauté des Turcs, sa mère, affamée de haine, n’attendit plus que l’heure de se jeter dans le premier soulèvement contre la tyrannie ottomane. Lui, à dix-huit ans, il avait quitté le Magne pour courir les mers, et plus particulièrement l’Archipel, se formant non seulement au métier de marin, mais aussi au métier de pirate. À bord de quels navires avait-il servi pendant cette période de son existence, quels chefs de flibustiers ou de forbans l’eurent sous leurs ordres, sous quel pavillon fit-il ses premières armes, quel sang répandit sa main, le sang des ennemis de la Grèce ou le sang de ses défenseurs, — celui-là même qui coulait dans ses veines, — nul que lui n’aurait pu le dire. Plusieurs fois, cependant, on l’avait revu dans les divers ports du golfe de Coron. Quelques-uns de ses compatriotes avaient pu raconter ses hauts faits de