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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

du cap San Juan, dans la partie du littoral en bordure du détroit, qu’il l’avait trouvé. Entre deux hautes roches qui contrebutaient la falaise, s’évidait une grotte dont on ne pouvait voir l’orifice. Pour y arriver, il fallait se glisser à travers cet entre-deux, qu’on distinguait à peine au milieu de l’amoncellement des blocs. Au plein du flot, la mer arrivait presque à leur base, mais ne montait jamais assez pour inonder cette cavité dont le sable fin ne contenait aucun coquillage et ne portait aucune trace d’humidité.

On eût passé cent fois devant cette grotte sans en soupçonner l’existence, et c’était par hasard si Vasquez l’avait découverte, quelques jours auparavant.

Ce fut donc là qu’il transporta les divers objets pris dans la caverne, et dont il allait faire usage.

Il était rare, d’ailleurs, que Kongre, Carcante ou d’autres vinssent sur cette partie de la côte. La seule fois qu’ils l’eussent fait, après une seconde visite à la caverne, Vasquez les avait aperçus lorsqu’ils s’arrêtèrent à la pointe du cap San Juan. Accroupi au fond de l’entre-deux, il ne pouvait être vu, et ne le fut pas.

Inutile d’ajouter qu’il ne s’aventurait jamais au dehors, sans les plus minutieuses précautions, le soir de préférence, surtout pour se rendre à la caverne. Avant de tourner l’angle de la falaise à l’entrée de la baie, il s’assurait que ni le canot ni la chaloupe n’étaient amarrés le long de la rive.

Mais combien le temps lui paraissait interminable dans sa solitude, et quels douloureux souvenirs revenaient sans cesse à sa mémoire ! Cette scène de carnage à laquelle il avait échappé, Felipe, Moriz, tombés sous les coups des assassins. Un irrésistible désir le prenait au cœur de rencontrer le chef de cette bande et de venger de ses propres mains la mort de ses infortunés camarades !…

« Non… non !… se répétait-il, ils seront punis tôt ou tard !…