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un contre trois.

fermes, perdues au milieu des grands arbres, se montraient encore, mais séparés déjà par un plus grand nombre de milles. La population diminuait à l’approche des hautes terres.

Sur ces vastes paysages, comme fond de cadre, il faut maintenant étendre un ciel gris et brumeux. J’ajouterai même que la pluie tombait le plus souvent en fortes averses. Pendant quatre jours, du 13 au 17 juin, nous n’eûmes peut-être pas une demi-journée d’accalmie. Donc, obligation de rester au salon de Steam-House, nécessité de tromper les longues heures comme on l’eût fait dans une habitation sédentaire, en fumant, en causant, en jouant au whist.

Pendant ce temps, les fusils chômaient, au grand déplaisir du capitaine Hod ; mais deux « schlems », qu’il fit dans une seule soirée, lui rendirent sa bonne humeur habituelle.

« On peut toujours tuer un tigre, dit-il, on ne peut pas toujours faire un schlem ! »

Il n’y avait rien à répondre à une proposition si juste et si nettement formulée.

Le 17 juin, le campement fut dressé près d’un séraï, — nom que portent les bungalows spécialement réservés aux voyageurs. Le temps s’était un peu éclairci, et le Géant d’Acier, qui avait rudement travaillé pendant ces quatre jours, réclamait, sinon quelque repos, du moins quelques soins. On convint donc de passer la demi-journée et la nuit suivante en cet endroit.

Le séraï, c’est le caravansérail, l’auberge publique des grandes routes de la péninsule, un quadrilatère de bâtiments peu élevés entourant une cour intérieure, et, le plus ordinairement, surmontés de quatre tourelles d’angle, ce qui lui donne un air tout à fait oriental. Là, dans ces séraïs, fonctionne un personnel spécialement affecté au service intérieur, le « bhisti », ou porteur d’eau, le cuisinier, cette providence des voyageurs qui, peu exigeants, savent se contenter d’œufs et de poulets, et le « khansama », c’est-à-dire le fournisseur de vivres, avec lequel on peut traiter directement et assez généralement à bas prix.

Le gardien du séraï, le péon, est simplement un agent de la très honorable Compagnie, à laquelle la plupart de ces établissements appartiennent, et qui les fait inspecter par l’ingénieur en chef du district.

Une règle assez bizarre, mais rigoureusement appliquée dans ces établissements, est celle-ci : tout voyageur peut occuper le séraï pendant vingt-quatre