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la maison à vapeur.

« D’ailleurs, lui fit observer Banks, vous êtes encore vivant, mon capitaine, et quarante-neuf tigres sont morts de votre main, sans compter les blessés. La balance est donc encore en votre faveur !

— Oui, quarante-neuf ! répondit en soupirant le capitaine Hod, mais j’aurais bien voulu compléter la cinquantaine ! »

Évidemment, cela lui tenait au cœur. Le 2 septembre arriva. Nous étions à la veille du départ.

Ce jour-là, dans la matinée, Goûmi vint nous annoncer la visite du fournisseur.

En effet, Mathias Van Guitt, accompagné de Kâlagani, arrivait à Steam-House. Sans doute, au moment du départ, il voulait nous faire ses adieux suivant toutes les règles.

Le colonel Munro le reçut avec cordialité. Mathias Van Guitt se lança dans une suite de périodes où se retrouvait tout l’inattendu de sa phraséologie habituelle. Mais il me sembla que ses compliments cachaient quelque arrière-pensée qu’il hésitait à formuler.

Et, précisément, Banks toucha le vif de la question, lorsqu’il demanda à Mathias Van Guitt s’il avait eu l’heureuse chance de pouvoir renouveler ses attelages.

« Non, monsieur Banks, répondit le fournisseur, Kâlagani a vainement parcouru les villages. Bien qu’il fût muni de mes pleins pouvoirs, il n’a pu se procurer un seul couple de ces utiles ruminants. Je suis donc obligé de confesser, à regret, que, pour diriger ma ménagerie vers la station la plus rapprochée, le moteur me fait absolument défaut. La dispersion de mes buffles, provoquée par la soudaine attaque de la nuit du 25 au 26 août, me met donc dans un certain embarras… Mes cages, avec leurs hôtes à quatre pattes, sont lourdes… et…

— Et comment allez-vous faire pour les conduire à la station ? demanda l’ingénieur.

— Je ne sais trop, répondit Mathias Van Guitt. Je cherche… je combine… j’hésite… Cependant… l’heure du départ a sonné, et c’est le 20 septembre, c’est-à-dire dans dix-huit jours, que je dois livrer à Bombay ma commande de félins…

— Dix-huit jours ! répondit Banks, mais alors vous n’avez pas une heure à perdre !

— Je le sais, monsieur l’ingénieur. Aussi n’ai-je plus qu’un moyen, un seul !…