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la maison à vapeur.

de la « renflouer », pour employer une expression de la langue maritime. Renversée sur le sol, écrasée contre les roches, de sa carcasse, sur laquelle avait inévitablement passé la masse des éléphants, il ne devait plus rester que des débris informes.

Et cependant, en même temps qu’elle servait à loger le personnel de l’expédition, cette voiture contenait, non seulement la cuisine et l’office, mais aussi la réserve de nourriture et de munitions. De celles-ci, il ne nous restait plus qu’une douzaine de cartouches, mais il n’était pas probable que nous eussions à faire usage des armes à feu avant notre arrivée à Jubbulpore.

Quant à la nourriture, c’était une autre question, et plus difficile à résoudre.

En effet, il n’y avait plus rien des provisions de l’office. En admettant que, le lendemain soir, nous eussions pu atteindre la station, encore éloignée de soixante-dix kilomètres, il faudrait se résigner à passer vingt-quatre heures sans manger.

Ma foi, on en prendrait son parti !

Dans cette circonstance, le plus désolé de tous, ce fut naturellement monsieur Parazard. La perte de son office, la destruction de son laboratoire, la dispersion de sa réserve, l’avaient frappé au cœur. Il ne cacha pas son désespoir, et, oubliant les dangers auxquels nous venions presque miraculeusement d’échapper, il ne se montra préoccupé que de la situation personnelle qui lui était faite.

Donc, au moment où, réunis dans le salon, nous allions discuter le parti qu’il convenait de prendre dans ces circonstances, monsieur Parazard, toujours solennel, apparut sur le seuil et demanda à « faire une communication de la plus haute gravité. »

« Parlez, monsieur Parazard, lui répondit le colonel Munro, en l’invitant à entrer.

— Messieurs, dit gravement notre chef noir, vous n’êtes pas sans savoir que tout le matériel qu’emportait la seconde habitation de Steam-House a été détruit dans cette catastrophe ! Au cas même où il nous serait resté quelques provisions, j’aurais été fort gêné, faute de cuisine, pour vous préparer un repas, si modeste qu’il fût.

— Nous le savons, monsieur Parazard, répondit le colonel Munro. Cela est regrettable, mais nous ferons comme nous pourrons, et nous jeûnerons, s’il faut jeûner.