Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
348
la maison à vapeur.

– Il ne me reste donc qu’à me retirer, » dit monsieur Parazard, en s’inclinant, sans rien perdre de la gravité qui lui était habituelle. Nous aurions ri volontiers de l’attitude de notre chef, si nous n’eussions obéi à d’autres préoccupations.

En effet, une complication venait s’ajouter à tant d’autres. Banks nous apprit qu’en ce moment le plus regrettable n’était ni le manque de vivres, ni le manque de munitions, mais le défaut de combustible. Rien d’étonnant à cela, puisque, depuis quarante-huit heures, il n’avait pas été possible de renouveler la provision de bois nécessaire à l’alimentation de la machine. Toute la réserve était épuisée à notre arrivée au lac. Une heure de marche de plus, il eût été impossible de l’atteindre, et la première voiture de Steam-House aurait eu le même sort que la seconde.

« Maintenant, ajouta Banks, nous n’avons plus rien à brûler, la pression baisse, elle est déjà tombée à deux atmosphères, et il n’est aucun moyen de la relever !

— La situation est-elle donc aussi grave que tu sembles le croire, Banks ? demanda le colonel Munro.

— S’il ne s’agissait que de revenir à la rive dont nous sommes peu éloignés encore, répondit Banks, ce serait faisable. Un quart d’heure suffirait à nous y ramener. Mais retourner là où le troupeau d’éléphants est encore réuni sans doute, ce serait trop imprudent. Non, il faut, au contraire, traverser le Puturia et chercher sur sa rive du sud un point de débarquement.

— Quelle peut être la largeur du lac en cet endroit ? demanda le colonel Munro.

— Kâlagani évalue cette distance à sept ou huit milles environ. Or, dans les conditions où nous sommes, plusieurs heures seraient nécessaires pour la franchir, et, je vous le répète, avant quarante minutes, la machine ne sera plus en état de fonctionner.

— Eh bien, répondit sir Edward Munro, passons tranquillement la nuit sur le lac. Nous y sommes en sûreté. Demain, nous aviserons. »

C’était ce qu’il y avait de mieux à faire. Nous avions, d’ailleurs, grand besoin de repos. Au dernier lieu de halte, entouré de ce cercle d’éléphants, personne n’avait pu dormir à Steam-House, et la nuit, comme on dit, avait été une nuit blanche.

Mais si celle-là avait été blanche, celle ci devait être noire, et plus même qu’il ne convenait.