Page:Verne - Le Beau Danube Jaune.djvu/146

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« C’est ce qu’il y a de mieux à faire », répondit Ilia Krusch, et, une heure après, il rangeait la berge valaque.

La journée fut assez rude pour les mariniers comme pour le pêcheur. Vers cinq heures, cependant, ils arrivèrent en face de Silistrie, qui est cité bulgare. Chef-lieu d’un cyalet, qui comprend toute la Bulgarie orientale et les forteresses du Bas Danube, c’est l’une des trois grandes places-fortes de la Turquie. Sa citadelle, à l’extrémité ouest est doublée d’un mur très élevé. La ville compte deux mille âmes. Elle fait le commerce des laines, des bois, des bestiaux avec la Valachie, qui lui fournit le sel et le chanvre. Rues étroites et tortueuses, maisons basses, aucun monument. Cela explique pourquoi M. Jaeger ne demanda pas à la visiter. Il aurait d’ailleurs fallu retraverser le fleuve, puisque, comme Roustchouk, elle est située sur la rive droite. Il se contenta de faire les cents pas sur la berge, passant et repassant devant les bateaux qui y avaient posté leurs amarres.

Le lendemain, le départ se fit à l’heure habituelle. Mais ce qu’il y eut lieu de remarquer, c’est que, des trois chalands, deux se dirigèrent vers Silistrie où ils devaient décharger leur cargaison, sans doute.

Seul, le dernier, celui dont le pilote avait donné des preuves manifestes de son habileté professionnelle, continua de descendre malgré les apparences de plus en plus mauvaises du temps.

La barge se remit en route, en longeant de beaucoup plus près la rive droite.

Le seul incident qu’il y eut à noter, c’est que, dans la matinée, une embarcation, qui s’était détachée d’un petit village de pêcheurs bulgares, vint accoster le chaland. Un des hommes qu’elle portait monta à bord, et elle s’en retourna aussitôt.

Dans l’après-midi, le temps devint si peu maniable, les bourrasques si violentes, la houle si forte, qu’Ilia Krusch ne crut pas devoir aller plus loin.

« Et que va faire ce chaland ? demanda M. Jaeger.

— Très probablement ce que nous allons faire nous-mêmes, répondit M. Krusch. Je crois son pilote trop pratique pour continuer à naviguer dans ces conditions. Avec la houle qui augmente, il risquerait de recevoir un mauvais coup et de couler sur place. »

Ilia Krusch avait raison, et tandis que sa barge se réfugiait au fond d’une petite anse à l’abri d’une pointe, le chaland se rapprocha de la rive pour y trouver un refuge jusqu’au moment où une accalmie lui permettrait de repartir.

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