Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/122

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— Mon pauvre Jean !… Mon pauvre Jean !… murmurait ma sœur, tandis que les larmes lui coulaient des yeux.

— Irma, dis-je, du courage… il en faut !

— Condamné à mort !…

— Minute ! Il a pris la fuite !… Maintenant, il est hors d’atteintes, et, où qu’il soit, il y est toujours mieux que dans le régiment de ces coquins de Grawert, père et fils !

— Et ces mille florins que l’on promet à quiconque le livrera, Natalis !

— Ces mille florins ne sont encore dans la poche de personne, Irma, et probable que personne ne les touchera jamais !

— Et comment pourra-t-il s’échapper, mon pauvre Jean ! Il est affiché dans toutes les villes, dans tous les villages ! Que de mauvais gueux qui ne demanderont pas mieux que de le livrer ! Les meilleurs ne voudraient même pas le recevoir chez eux pour une heure !

— Ne te désole pas, Irma ! répondis-je. Non !… Rien n’est encore perdu ! Tant que les fusils ne sont pas braqués sur la poitrine d’un homme…

— Natalis !… Natalis !…

— Et encore Irma, les fusils peuvent-ils rater !… Ça s’est vu !… Ne te désole pas !… Monsieur Jean a pu s’enfuir et se jeter dans la campagne !… Il est vivant, et n’est point homme à se laisser prendre !… Il s’en réchappera ! »

Je le dis sincèrement, si je tenais ce langage, ce n’était pas seulement pour rendre un peu d’espoir à ma sœur. Non ! J’avais confiance. Évidemment, le plus difficile pour M. Jean, après le coup, avait été de prendre la fuite. Eh bien, il y avait réussi, et il ne paraissait pas qu’il fût facile de l’atteindre, puisque les affiches promettaient une récompense de mille florins à quiconque parviendrait à s’en emparer ! Non ! Je ne voulais pas désespérer, bien que ma sœur ne voulût rien entendre.

« Et madame Keller ! » dit-elle.