Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/123

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Oui ! Qu’était devenue Mme Keller ?… Avait-elle pu rejoindre son fils ?… Savait-elle ce qui s’était passé ?… Accompagnait-elle M. Jean dans sa fuite ?

« Pauvre femme !… Pauvre mère !… répétait ma sœur. Puisqu’elle a dû rejoindre le régiment à Magdebourg, elle ne peut rien ignorer ! Elle sait que son fils est condamné à mort !… Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! Quelle part de douleurs vous lui faites !

— Irma, répondis-je, je t’en prie, calme-toi ! Si l’on t’entendait ! Tu le sais, madame Keller est une femme énergique ! Peut-être monsieur Jean a-t-il pu la retrouver !… »

Que cela semble surprenant, c’est possible, mais, je le répète, je parlais en toute vérité. Il n’est pas dans ma nature de m’abandonner au désespoir.

« Et Marthe ?… dit ma sœur.

— Mon avis est qu’il faut lui laisser tout ignorer, répondis-je. Cela vaut mieux, Irma. En parlant, nous risquerions de lui faire perdre courage. Le voyage est long encore, et mademoiselle Marthe a besoin de toute sa force d’âme. Si elle venait à apprendre ce qui s’est passé, que monsieur Jean est condamné à mort, qu’il est en fuite, que sa tête est mise à prix, elle ne vivrait plus !… Elle refuserait de nous suivre…

— Oui, tu as raison, Natalis ! Garderons-nous ce secret vis-à-vis de monsieur de Lauranay ?…

— Également, Irma. De le prévenir cela n’avancerait à rien. Ah ! s’il nous était possible de nous mettre à la recherche de madame Keller et de son fils ! Oui ! nous devrions tout dire à monsieur de Lauranay. Mais notre temps est compté. Il nous est interdit de rester sur ce territoire. Bientôt, nous serions mis en arrestation, et je ne vois pas en quoi cela servirait monsieur Jean… Allons, Irma, il faut se faire une raison. Surtout, que mademoiselle Marthe ne s’aperçoive pas que tu as pleuré !

— Et si elle sort, Natalis, ne peut-elle lire cette affiche, apprendre ainsi…