Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/140

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— Oui ! cette affiche que, ma sœur et moi, nous avons lue à Gotha ! répondis-je.

— Mon dessein, reprit M. Jean, était d’essayer d’atteindre la Thuringe, où j’avais calculé que vous deviez être encore !… Là, d’ailleurs, je serais plus en sûreté. Enfin nous atteignîmes les montagnes !… Quel rude chemin, vous le savez, Natalis, puisque vous avez dû en faire une partie à pied…

— En effet, monsieur Jean, répliquai-je. Mais qui a pu vous apprendre ?…

— Hier soir, en arrivant au-delà du défilé de Gebauër, répondit M. Jean, j’aperçus une berline, brisée à demi, qui avait été abandonnée sur la route. Je reconnus la voiture de M. de Lauranay… Il y avait eu un accident !… Étiez-vous sains et saufs ?… Ah ! quelle angoisse… Ma mère et moi, nous avons marché toute la nuit. Puis, le jour venu, il fallut se cacher !…

— Se cacher ! dit ma sœur. Et pourquoi ?… Vous étiez donc poursuivis ?…

— Oui, répondit M. Jean, poursuivis par trois coquins que j’avais rencontrés au bas du défilé de Gebauër, le braconnier Buch et ses deux fils, de Belzingen. Je les avais déjà vus à Magdebourg, sur les derrières de l’armée, avec nombre d’autres pillards et voleurs de leur sorte. Sans doute, ils savaient qu’il y avait mille florins à gagner en se jetant sur ma piste !… C’est ce qu’ils ont fait, et, cette nuit, il y a deux heures à peine, nous avons été attaqués à une demi-lieue d’ici… sur la lisière de la forêt…

— Ainsi, ces deux coups de feu que j’avais cru entendre ?… demandai-je.

— Ce sont eux qui les ont tirés, Natalis. J’ai eu mon chapeau traversé d’une balle. Cependant, en nous réfugiant dans un taillis, ma mère et moi avons pu échapper à ces misérables !… Ils ont dû croire que nous avions rebroussé chemin, car ils se sont rejetés du côté des montagnes !… Alors nous avons repris notre route vers la plaine, et, arrivé sur