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un hivernage dans les glaces.

— Nos amis sont-ils prévenus, mon oncle ? demanda Marie.

— Ils sont prévenus !

— Et le notaire, et le curé ?

— Sois tranquille ! Il n’y aura que toi à nous faire attendre ! »

En ce moment entra le compère Clerbaut.

« Eh bien ! mon vieux Cornbutte, s’écria-t-il, voilà de la chance ! Ton navire arrive précisément à l’époque où le gouvernement vient de mettre en adjudication de grandes fournitures de bois pour la marine.

— Qu’est-ce que ça me fait ? répondit Jean Cornbutte. Il s’agit bien du gouvernement !

— Sans doute, monsieur Clerbaut, dit Marie, il n’y a qu’une chose qui nous occupe : c’est le retour de Louis.

— Je ne disconviens pas que…, répondit le compère. Mais enfin ces fournitures…

— Et vous serez de la noce, répliqua Jean Cornbutte, qui interrompit le négociant et lui serra la main de façon à la briser.

— Ces fournitures de bois…

— Et avec tous nos amis de terre et nos amis de mer, Clerbaut. J’ai déjà prévenu mon monde, et j’inviterai tout l’équipage du brick !

— Et nous irons l’attendre sur l’estacade ? demanda Marie.

— Je te crois bien, répondit Jean Cornbutte. Nous défilerons tous deux par deux, violons en tête ! »

Les invités de Jean Cornbutte arrivèrent sans tarder. Bien qu’il fût de grand matin, pas un ne manqua à l’appel. Tous félicitèrent à l’envi le brave marin qu’ils aimaient. Pendant ce temps, Marie, agenouillée, transformait devant Dieu ses prières en remercîments. Elle rentra bientôt, belle et parée, dans la salle commune, et elle eut la joue embrassée par toutes les commères, la main vigoureusement serrée par tous les hommes ; puis, Jean Cornbutte donna le signal du départ.

Ce fut un spectacle curieux de voir cette joyeuse troupe prendre le chemin de la mer au lever du soleil. La nouvelle de l’arrivée du brick avait circulé dans le port, et bien des têtes en bonnets de nuit apparurent aux fenêtres et aux portes entrebâillées. De chaque côté arrivait un honnête compliment ou un salut flatteur.

La noce atteignit l’estacade au milieu d’un concert de louanges et de bénédictions. Le temps s’était fait magnifique, et le soleil semblait se mettre de la partie. Un joli vent du nord faisait écumer les lames, et quelques chaloupes de