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AU POUVOIR D’UN ENNEMI.

moins qu’un autre, capable de créer une confusion et, par suite, hors le cas de flagrant délit, de détourner les soupçons au profit du coupable, il possédait quelques avantages qui lui étaient propres.

En premier lieu, Serge Ladko n’était pas un mythe. Il existait, si le coup de fusil qui l’avait salué à son départ de Roustchouk ne l’avait pas abattu pour jamais. Bien que Striga se vantât volontiers d’avoir supprimé son ennemi, la vérité est qu’il n’en savait rien. Peu importait, d’ailleurs, au point de vue de l’enquête qui pouvait être faite à Roustchouk. Si Ladko était mort, la police ne pourrait rien comprendre aux accusations dont il serait l’objet. S’il était vivant, elle trouverait un homme de chair et d’os, d’une honorabilité si bien établie que l’enquête, selon toute vraisemblance, en resterait là. Sans doute, on rechercherait alors ceux qui auraient la malchance d’être ses homonymes. Mais, avant qu’on eût passé au crible tous les Ladkos du monde, il coulerait de l’eau sous les ponts du Danube !

Que si, d’aventure, les soupçons, à force d’être dirigés dans la même direction, finissaient par entamer la cuirasse d’honorabilité de Serge Ladko, ce serait alors un résultat doublement heureux. Outre qu’il est toujours agréable à un bandit de savoir qu’un autre est inquiété à sa place, cette substitution lui devient plus agréable encore quand il a voué à sa victime une haine mortelle.