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LE PILOTE DU DANUBE.

Deux fois par jour, aux heures des repas, il lui fallait s’interrompre. C’était toujours le même geôlier qui venait lui apporter sa nourriture et, bien que celui-ci dissimulât son visage sous un masque de toile, Serge Ladko le reconnaissait sans hésitation à ses cheveux gris et à la remarquable largeur de ses épaules. D’ailleurs, bien qu’il n’en pût discerner les traits, l’aspect de cet homme lui donnait l’impression de quelque chose de déjà vu. Sans qu’il lui fût possible de rien préciser, cette carrure puissante, cette démarche lourde, ces cheveux grisonnants que l’on distinguait au-dessus du masque de toile, ne lui semblaient pas inconnus.

Les rations lui étaient servies à heure fixe, et jamais, hors de ces instants, on ne pénétrait dans sa prison. Rien n’en aurait même troublé le silence, si, de temps à autre, il n’avait entendu une porte s’ouvrir en face de la sienne. Presque toujours, le bruit de deux voix, celle d’un homme et celle d’une femme, parvenait ensuite jusqu’à lui. Serge Ladko tendait alors l’oreille, et, interrompant son patient travail, il cherchait à mieux discerner ces voix qui remuaient en lui des sensations vagues et profondes.

En dehors de ces incidents, le prisonnier mangeait d’abord, dès le départ de son geôlier, puis il se remettait obstinément à l’œuvre.

Cinq jours s’étaient écoulés depuis qu’il