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SERGE LADKO.

Giurgievo, l’autorité fut dévolue sans conteste au pilote Serge Ladko. On n’aurait pu faire un meilleur choix.

Âgé de près de trente ans, de haute taille, blond comme un Slave du Nord, d’une force herculéenne, d’une agilité peu commune, rompu à tous les exercices du corps, Serge Ladko possédait cet ensemble de qualités physiques qui facilite le commandement. Ce qui vaut mieux, il avait aussi les qualités morales nécessaires à un chef : l’énergie dans la décision, la prudence dans l’exécution, l’amour passionné de son pays.

Serge Ladko était né à Roustchouk, où il exerçait la profession de pilote du Danube, et il n’avait jamais quitté la ville, si ce n’est pour conduire, soit vers Vienne ou plus en amont encore, soit jusqu’aux flots de la mer Noire, les barges et chalands qui s’en remettaient à sa connaissance parfaite du grand fleuve. Dans l’intervalle de ces navigations mi-fluviales, mi-maritimes, il consacrait ses loisirs à la pêche, et, servi par des dons naturels exceptionnels, il avait acquis une étonnante habileté dans cet art, dont les produits, joints à ses honoraires de pilotage, lui assuraient la plus large aisance.

Obligé par son double métier de passer sur le fleuve les quatre cinquièmes de sa vie, l’eau était peu à peu devenue son élément. Traverser le Danube, large à Roustchouk comme un bras de mer, n’était qu’un