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LE PILOTE DU DANUBE.

VI

LES YEUX BLEUS.

En quittant la barge, Karl Dragoch gagna les quartiers du centre. Il connaissait Ratisbonne, et c’est sans hésiter sur la direction à suivre qu’il s’engagea à travers les rues silencieuses, flanquées çà et là de donjons féodaux à dix étages, de cette cité jadis bruyante, que n’anime plus guère une population tombée à vingt-six mille âmes.

Karl Dragoch ne songeait pas à visiter la ville, comme le croyait Ilia Brusch. Ce n’est pas en qualité de touriste qu’il voyageait. À peu de distance du pont, il se trouva en face du Dom, la cathédrale aux tours inachevées, mais il ne jeta qu’un coup d’œil distrait sur son curieux portail de la fin du XVe siècle. Assurément, il n’irait pas admirer, au Palais des Princes de Tour et Taxis, la chapelle gothique et le cloître ogival, pas plus que la bibliothèque de pipes, bizarre curiosité de cet ancien couvent. Il ne visiterait pas davantage le Rathhaus, siège de la Diète autrefois, et aujourd’hui simple Hôtel de Ville, dont la salle est ornée de vieilles tapisseries, et où la chambre de torture avec ses divers appareils est montrée, non sans orgueil, par le concierge de l’endroit. Il ne dépenserait pas un trinkgeld, le pourboire allemand,