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le sphinx des glaces

— Rien… et je ne songeais plus à naviguer…

— Alors pourquoi t’embarquer ?

— Une idée… La nouvelle de l’expédition que va faire votre goélette s’est répandue… Je désire… oui je désire en faire partie… avec votre aveu, s’entend !

— Tu es connu à Port-Egmont ?…

— Connu… et jamais je n’ai encouru aucun reproche depuis que j’y suis.

— Soit, répondit le capitaine Len Guy. Je demanderai des renseignements…

— Demandez, capitaine, et si vous dites oui, mon sac sera ce soir à bord.

— Comment t’appelles-tu ?…

— Hunt.

— Et tu es ?…

— Américain. »

Ce Hunt était un homme de petite taille, le teint fortement hâlé, d’une coloration de brique, la peau jaunâtre comme celle d’un Indien, le torse énorme, la tête volumineuse, les jambes très arquées. Ses membres attestaient une vigueur exceptionnelle, — les bras surtout que terminaient des mains d’une largeur !… Sa chevelure grisonnait, semblable à une sorte de fourrure, poil en dehors.

Ce qui imprimait à la physionomie de cet individu un caractère particulier — cela ne prévenait guère en sa faveur, — c’était la superacuité du regard de ses petits yeux, sa bouche presque sans lèvres, fendue d’une oreille à l’autre, et dont les dents longues, à l’émail intact, n’avaient jamais été attaquées du scorbut, si commun chez les marins des hautes latitudes.

Il y avait trois ans que Hunt habitait les Falklands, d’abord un des ports de la Soledad, à la baie des Français, puis, en dernier lieu, Port-Egmont. Peu communicatif, il vivait seul, d’une pension de retraite, — à quel titre, on l’ignorait. N’étant à la charge ni de l’un ni de l’autre, il s’occupait de pêche, et ce métier aurait suffi à lui