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entre le cercle polaire et la banquise.

vitesse de l’Halbrane subit une sensible diminution, car la brise commença à mollir pendant la journée du 4, et même, au milieu de la nuit du 4 au 5, elle refusa.

Le matin, les voiles pendaient, inertes et dégonflées, le long des mâts, ou battaient d’un bord à l’autre. Bien qu’aucun souffle n’arrivât jusqu’à nous et que la surface de l’Océan fût sans rides, les longues oscillations de la houle, qui venait de l’ouest, imprimaient de rudes balancements à la goélette.

« La mer sent quelque chose, me dit le capitaine Len Guy, et il doit y avoir du gros temps de ce côté, ajouta-t-il, en étendant la main dans la direction du couchant.

— L’horizon est brumeux, en effet, répondis-je. Peut-être que le soleil vers midi…

— Il n’a plus grande force à cette latitude, même en été, monsieur Jeorling ! — Jem ? »

Le lieutenant s’approcha.

« Que penses-tu du ciel ?…

— Je ne suis pas rassuré… Aussi faut-il être prêt à tout, capitaine. Je vais amener les voiles hautes, rentrer le grand foc, et parer le tourmentin. Il est possible que l’horizon se dégage dans l’après-midi… Si le coup de chien tombe à bord, nous serons en mesure de le recevoir.

— Ce qui est essentiel, Jem, c’est de conserver notre direction en longitude…

— Autant que faire se pourra, capitaine, car nous sommes en bonne route.

— Est-ce que la vigie n’a pas signalé les premières glaces en dérive ?… demandai-je.

— Oui, répondit le capitaine Len Guy, et dans un abordage avec les ice-bergs, le dommage ne serait pas pour eux. Si donc la prudence exige que l’on s’écarte à l’est ou à l’ouest, nous nous y résignerons, mais en cas de force majeure seulement. »

La vigie n’avait point fait erreur. Dans l’après-midi, on vit des