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le sphinx des glaces

parvient à rapatrier vos compatriotes de la Jane, mon avis est qu’il aura accompli son œuvre, et je ne crois pas qu’il doive chercher à obtenir davantage.

— C’est entendu, monsieur Jeorling, c’est entendu !… Cependant, lorsqu’il ne sera plus qu’à trois ou quatre cents milles du pôle, n’aura-t-il pas la tentation d’aller voir le bout de l’axe sur lequel la Terre tourne comme un poulet à la broche ?… répondit en riant le bosseman.

— Est-ce que cela vaudrait la peine de courir de nouveaux dangers, dis-je, et est-il si intéressant de pousser jusque-là cette passion des conquêtes géographiques ?…

— Oui et non, monsieur Jeorling. Je l’avoue, toutefois, d’avoir été plus loin que les navigateurs qui nous ont précédés, plus loin peut-être que n’iront jamais ceux qui nous suivront, cela serait de nature à satisfaire mon amour-propre de marin…

— Oui… vous pensez qu’on n’a rien fait tant qu’il reste à faire, bosseman…

— Comme vous dites, monsieur Jeorling, et si l’on nous proposait de nous enfoncer à quelques degrés plus loin que l’île Tsalal, ce n’est pas de moi que viendrait l’opposition.

— Je ne crois pas que le capitaine Len Guy y puisse jamais songer, bosseman…

— Ni moi, répondit Hurliguerly, et dès qu’il aura recueilli son frère et les cinq matelots de la Jane, j’imagine que notre capitaine se hâtera de les ramener en Angleterre !

— C’est à la fois probable et logique, bosseman. D’ailleurs, si les anciens de l’équipage sont gens à aller partout où leur chef voudrait les conduire, je crois que les nouveaux s’y refuseraient. Ils n’ont point été recrutés pour une campagne si longue et si périlleuse, qui les entraînerait jusqu’au pôle…

— Vous avez raison, monsieur Jeorling, et, afin de les décider, il faudrait l’appât d’une forte prime par chaque parallèle franchi au-delà de l’île Tsalal…