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le sphinx des glaces

peu communicative, c’est qu’il ne lui convenait pas d’entrer en relation avec un inconnu.

Cependant l’impatience me saisit. Si ce hérisson me refusait, eh bien ! j’en serais pour un refus. L’obliger à me prendre à son bord malgré lui, je n’en avais pas la prétention. Je n’étais même pas son compatriote. D’ailleurs, aucun consul ni agent américain ne résidait aux Kerguelen, près duquel j’aurais pu me plaindre. Avant tout, il importait que je fusse fixé, et, si je me heurtais à un non ! du capitaine Len Guy, j’en serais quitte pour attendre l’arrivée d’un autre navire plus complaisant, — ce qui ne me retarderait que de deux ou trois semaines.

Au moment où j’allais l’accoster, le lieutenant du bord vint rejoindre son capitaine. Celui-ci profita de l’occasion pour s’éloigner, et, faisant signe à l’officier de le suivre, il contourna le fond du port et disparut à l’angle d’une roche, en remontant la baie sur sa rive septentrionale.

« Au diable ! pensai-je. J’ai tout lieu de croire qu’il me sera difficile d’arriver à mes fins ! Mais ce n’est que partie remise. Demain, dans la matinée, j’irai à bord de l’Halbrane. Qu’il le veuille ou qu’il ne le veuille pas, il faudra bien que ce Len Guy m’entende, et qu’il me réponde oui ou non ! »

D’ailleurs, il se pouvait que, vers l’heure du dîner, le capitaine Len Guy vînt au Cormoran-Vert, où, d’habitude, les marins déjeunaient et dînaient durant les relâches. Après quelques mois de mer, on aime à varier un menu généralement réduit au biscuit et à la viande salée.

La santé l’exige même, et tandis que des vivres frais sont mis à la disposition des équipages, les officiers se trouvent mieux de manger à l’auberge. Je ne doutais pas que mon ami Atkins fût préparé à recevoir convenablement le capitaine, le lieutenant et aussi le bosseman de la goélette.

J’attendis donc, je ne me mis à table que fort tard. J’en fus pour une déception.