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le coup de grâce

Le capitaine du Grampus, à ce qu’on m’a raconté, fut abandonné dans un canot avec deux ou trois de ses hommes… et qui sait si votre frère n’était pas avec lui ?… »

— Et après ?…

— Après, monsieur Jeorling, il a ajouté : « Est-ce que vous n’avez pas eu l’idée de demander à Dirk Peters de vous enseigner ?…

— Si, une fois, répliqua Martin Holt, j’ai interrogé le métis là-dessus, et jamais je n’ai vu un homme dans un tel état d’accablement, répondant : Je ne sais pas… je ne sais pas… d’une voix si sourde que je pouvais à peine le comprendre, et il s’est sauvé en se cachant la tête dans les mains… »

— C’est tout ce que vous avez entendu de cette conversation, bosseman ?…

— Tout, monsieur Jeorling, et elle m’a paru assez singulière pour que j’aie voulu vous mettre au courant.

— Et qu’en avez-vous conclu ?…

— Rien, si ce n’est que je regarde le sealing-master comme un coquin de la pire espèce, parfaitement capable de travailler en secret à quelque mauvais dessein, auquel il voudrait associer Martin Holt ! »

En effet, que signifiait cette nouvelle attitude de Hearne ?… Pourquoi cherchait-il à se lier avec Martin Holt, l’un des meilleurs de l’équipage ?… Pourquoi lui rappelait-il ainsi les scènes du Grampus ?… Est-ce que Hearne en savait à ce sujet plus long que les autres sur Dirk Peters et Ned Holt, — ce secret dont le métis et moi nous croyions être les seuls dépositaires ?…

Cela ne laissa pas de me causer une sérieuse inquiétude. Toutefois, je me gardai d’en rien dire à Dirk Peters. S’il eût pu soupçonner que Hearne causait de ce qui s’était passé à bord du Grampus, s’il eût appris que ce coquin, — comme l’appelait non sans raison Hurliguerly, — ne cessait de parler de son frère Ned à Martin Holt, je ne sais trop ce qui serait arrivé !

En somme, et quelles que fussent les intentions de Hearne, il