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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

arrosé par cet important tributaire. La bourgade occupe, sur la rive droite du fleuve, à peu près l’emplacement que possédait autrefois la mission espagnole de l’Altagracia. Les missionnaires ont été les véritables conquérants de ces provinces hispano-américaines, et ils ne voient pas sans jalousie les Anglais, les Allemands, les Français chercher à convertir les Indiens sauvages de l’intérieur. Aussi des conflits sont toujours à craindre.

Le gouverneur militaire se trouvait alors à Las Bonitas. Il connaissait personnellement M. Miguel. Ayant appris son départ pour le cours supérieur de l’Orénoque, il se hâta, lorsque le bateau eut pris son poste, de venir à bord.

M. Miguel présenta ses deux amis au gouverneur. Il y eut sympathique échange de civilités entre ces divers personnages. Une invitation pour déjeuner le lendemain à la résidence fut acceptée, — ce que permettait la relâche du Simon-Bolivar, qui devait se prolonger jusqu’à une heure de l’après-midi.

Il suffisait, en somme, de partir à cette heure-là, et le steamboat arriverait le soir même à Caïcara, où débarqueraient les passagers qui n’étaient pas à destination de San-Fernando ou autres bourgades de la province de l’Apure.

Le lendemain donc, — 15 août, — les trois collègues de la Société de Géographie se rendirent à l’habitation du gouverneur. Mais, avant eux, le sergent Martial ayant ordonné à son neveu, — sur la proposition de celui-ci, — de débarquer, tous deux se promenaient déjà à travers les rues de Las Bonitas.

Une bourgade, en cette partie du Venezuela, c’est à peine un village, quelques cases éparses sous les frondaisons, noyées au milieu de l’épaisse verdure de la zone tropicale. Çà et là se groupaient de magnifiques arbres, qui témoignaient de la puissance végétative du sol — des chapparos au tronc tortu comme celui d’un olivier, couverts de feuilles rudes à odeur forte, des palmiers copernicias aux branches épanouies en gerbes et dont les pétioles se déploient comme des éventails, des palmiers moriches, qui con-