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toute une ville en joie.

éclatèrent à l’extrémité de La Salle Street. Trois hurrahs, poussés unanimement, emplirent l’espace. Au signal du surintendant de police, le cortège s’ébranla, bannières déployées.

Tout d’abord, des formidables instruments de l’orchestre s’échappèrent les rythmes enlevants de la « Columbus March » du professeur John K. Paine, de Cambridge. Lent et mesuré, le défilé s’opéra en remontant La Salle Street. Presque aussitôt le char se mit en mouvement au pas de ses six chevaux caparaçonnés luxueusement, empanachés de touffes et d’aigrettes. Les guirlandes de fleurs se tendirent aux mains des six privilégiés, dont le choix semblait dû aux fantaisistes caprices du hasard.

Puis, les clubs, les autorités militaires, civiles et municipales, les masses qui suivaient les détachements de cavalerie, s’avancèrent en ordre parfait.

Inutile de dire que les portes, les fenêtres, les balcons, les auvents, les toits même de La Salle Street, étaient bondés de spectateurs de tout âge dont le plus grand nombre occupait sa place depuis la veille.

Lorsque les premiers rangs du cortège eurent atteint l’extrémité de l’avenue, ils obliquèrent un peu à gauche afin de prendre l’avenue qui longe Lincoln Park. Quel incroyable fourmillement de monde à travers les deux cent cinquante acres de cet admirable enclos que baignent à l’est les eaux frissonnantes du Michigan, avec ses allées ombreuses, ses bosquets, ses pelouses, ses dunes boisées, son lagon Winston, ses monuments élevés à la mémoire de Grant et de Lincoln, et ses champs de parade, et son département zoologique, dont les fauves hurlaient, dont les singes gambadaient pour se mettre à l’unisson de toute cette populaire agitation ! Comme, d’habitude, le parc est à peu près désert pendant la semaine, un étranger aurait pu se demander si ce jour était un dimanche. Non ! c’était bien un vendredi, — le triste et maussade vendredi, — qui tombait, cette année-là, le 3 avril.

Bon ! ils ne s’en préoccupaient guère, les curieux, et ils échan-