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Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/259

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le testament d’un excentrique

suite d’intermittences moins précises. Là, c’est le « Château-Fort », sur le bord d’un étang marécageux, en forme de vieux donjon, dont les murs s’inondent sous la pluie de ses vapeurs condensées. C’est la « Ruche », puits monstrueux dont la margelle s’élève au-dessus du sol comme un tronçon de tour, le « Grand Geyser », qui met un intervalle de trente-deux heures entre ses éruptions, le « Géant » dont les liquides panachés flottent à cent vingt pieds, moins puissant que la « Géante », qui porte les siens à plus du double.

Dans le bassin supérieur se déploie l’« Éventail », avec ses lamelles parées de toutes les nuances de l’arc-en-ciel, lorsque les rayons solaires s’y réfractent. Non loin, l’« Excelsior », dont la colonne centrale, sur une circonférence d’une trentaine de toises, s’élève à soixante, en évacuant, dans les poussées de sa formidable gerbe, des débris de pierres et de laves arrachés à l’écorce terrestre. À un mille de là, se rencontre le « Geyser de la Grotte », ou plutôt « de la Source », qui couronne de ses aigrettes aqueuses d’énormes blocs en arcades, orifices des sombres cavités où travaillent incessamment les forces plutoniennes. Enfin, le « Blood Geyser », expectoré d’un cratère aux parois d’argile rougeâtre qu’il délaie au passage, semble s’épanouir en gerbe de sang.

Tel est le domaine, sans rival au monde, dont Max Réal parcourut les vallées, les cañons, les fonds lacustres, allant de merveille en merveille, d’admiration en admiration. Dans cet angle du Wyoming, arrosé par le Fire Hole et le Yellowstone supérieur, dont le sol frémit sous le pied comme les tôles d’une chaudière, se mélangent, s’amalgament, se combinent, les substances telluriques sous l’action des feux internes inépuisablement alimentés au foyer central, et dont les mugissements s’échappent par mille bouches. Là se produisent les phénomènes les plus inattendus, semblables à ces effets scéniques d’une féerie provoqués par la baguette du magicien, au milieu des prodiges de ce Parc National du Yellowstone, dont on ne saurait trouver l’équivalent en n’importe quelle autre contrée du globe.