À quel propos le notaire désirait-il voir M. Summy Skim ? Comme tout le monde à Montréal, celui-ci connaissait maître Snubbin, excellent homme, conseiller sûr et prudent. Canadien de naissance, il dirigeait la meilleure étude de la ville, celle-là même qui, soixante ans auparavant, avait pour titulaire le fameux maître Nick, de son vrai nom Nicolas Sagamore, ce notaire d’origine huronne, si patriotiquement mêlé à la terrible affaire Morgaz, dont le retentissement fut considérable vers 1837[1].
M. Summy Skim fut assez surpris en recevant la lettre de Me Snubbin. Il se rendit aussitôt à l’invitation qui lui était faite ; une demi-heure plus tard, il arrivait sur la place du Marché Bon-Secours et était introduit dans le cabinet du notaire.
« Bien le bonjour, monsieur Skim, dit celui-ci en se levant. Permettez-moi de vous présenter mes devoirs…
— Et moi les miens, répondit Summy Skim en s’asseyant près de la table.
— Vous êtes le premier au rendez-vous, monsieur Skim…
— Le premier, dites-vous, maître Snubbin ?… Ne suis-je donc pas seul convoqué dans votre étude ?
— Votre cousin, M. Ben Raddle, répondit le notaire, a dû recevoir une lettre identique à la vôtre.
— Alors il ne faut pas dire : « a dû recevoir », mais « recevra », déclara Summy Skim. Ben Raddle n’est point à Montréal en ce moment.
— Va-t-il bientôt revenir ? demanda Me Snubbin.
— Dans trois ou quatre jours.
— Diable !
— La communication que vous avez à nous faire est donc pressante ?
— D’une certaine façon, oui, répondit le notaire. Enfin, je vais
- ↑ Le récit de ce drame fait le sujet du roman intitulé Famille-Sans-Nom dans les Voyages extraordinaires.