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le volcan d’or.

comme ça. Mais sur cent il y en a un qui réussit, deux qui changent leur fusil d’épaule, une dizaine qui repartent plus gueux qu’auparavant, et le reste y laisse sa peau… J’ai bien failli être de ceux-là !

— Vraiment ? fit Jane, toujours désireuse de s’instruire.

— Tel que tu me vois, mon petit, reprit Marius, je suis marin, un marin de Marseille, en France. J’avais déjà roulé ma bosse dans les cinq parties du monde, quand je me laissai embobiner par un sacripant que j’eus le malheur de rencontrer à Vancouver où j’étais en relâche. À l’entendre, il n’y avait qu’à se baisser, par ici, pour ramasser des pépites grosses comme la tête. Nous partîmes tous les deux. C’est mon pécule, naturellement, qui paya le voyage, et, naturellement toujours, je ne trouvai ici que misère. Je n’avais plus que la peau et les os, et ma bourse n’était guère plus grasse, quand le mécréant qui m’avait entraîné m’abandonna pour une nouvelle dupe. Cela me permit de réfléchir, et comme Marius n’est pas plus bête qu’un autre, il ne tarda pas à comprendre que tout ce qu’un mineur gagne au Klondike reste au Klondike, dans les tripots, dans les cabarets et dans les magasins où l’on vend cent francs ce qui coûte ailleurs cent sous. Je résolus donc de me faire cabaretier et marchand, et je m’applaudis de mon idée, conclut Marius Rouveyre en se tapotant le ventre avec satisfaction, car ma bourse et moi nous nous sommes arrondis de compagnie !

On arrivait en haut de la côte. Marius arrêta sa voiture

— Décidément, tu ne veux pas ?..

— Décidément, non, dit Jane Edgerton.

— Tu as tort, soupira Marius, qui rendit la main à son cheval.

Mais, presque aussitôt, la voiture s’arrêtait de nouveau.

— Il ne sera pas dit que je t’aurai laissé sur la route coucher à la belle étoile. Marius est assez riche pour rendre service à un petit gars comme toi. Où vas-tu ?