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l’amande du noyau

Pompéi moderne, et que ce soit en même temps l’effroi et l’étonnement du monde entier. — Mes ordres bien exécutés rendent ce résultat inévitable.

« Vous m’expédierez les cadavres du docteur Sarrasin et de Marcel Bruckmann. — Je veux les voir et les avoir.

« Schultz… »

Cette signature était inachevée ; l’e final et le paraphe habituel y manquaient.

Marcel et Octave demeurèrent d’abord muets et immobiles devant cet étrange spectacle, devant cette sorte d’évocation d’un génie malfaisant, qui touchait au fantastique.

Mais il fallut enfin s’arracher à cette lugubre scène. Les deux amis, très émus, quittèrent donc la salle, située au-dessus du laboratoire.

Là, dans ce tombeau où régnerait l’obscurité complète lorsque la lampe s’éteindrait, faute de courant électrique, le cadavre du Roi de l’Acier allait rester seul, desséché comme une de ces momies des Pharaons que vingt siècles n’ont pu réduire en poussière !…

Une heure plus tard, après avoir délié Sigimer, fort embarrassé de la liberté qu’on lui rendait, Octave et Marcel quittaient Stahlstadt et reprenaient la route de France-Ville, où ils rentraient le soir même.

Le docteur Sarrasin travaillait dans son cabinet, lorsqu’on lui annonça le retour des deux jeunes gens.

« Qu’ils entrent ! s’écria-t-il, qu’ils entrent vite ! »

Son premier mot en les voyant tous deux fut :

« Eh bien ?

— Docteur, répondit Marcel, les nouvelles que nous vous apportons de Stahlstadt vous mettront l’esprit en repos et pour longtemps. Herr Schultze n’est plus ! Herr Schultze est mort !

— Mort ! » s’écria le docteur Sarrasin.

Le bon docteur demeura pensif quelque temps devant Marcel, sans ajouter un mot.

« Mon pauvre enfant, lui dit-il après s’être remis, comprends-tu que cette nouvelle qui devrait me réjouir puisqu’elle éloigne de nous ce que j’exècre le plus, la guerre, et la guerre la plus injuste, la moins motivée! comprends-tu qu’elle m’ait, contre toute raison, serré le cœur ! Ah ! pourquoi cet homme aux facultés puissantes s’était-il constitué notre ennemi ? Pourquoi surtout n’a-t-il pas mis ses rares qualités intellectuelles au service du bien ? Que de forces perdues