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maté est une boisson fort en usage dans l’Amérique du Sud. C’est le thé des Indiens. Il consiste en une infusion de feuilles séchées au feu, et on l’aspire comme les boissons américaines au moyen d’un tube de paille. À la demande de Paganel, Thalcave prépara quelques tasses de ce breuvage, qui accompagna fort avantageusement les comestibles ordinaires et fut déclaré excellent.



Le lendemain, 30 octobre, le soleil se leva dans une brume ardente et versa sur le sol ses rayons les plus chauds. La température de cette journée devait être excessive, en effet, et malheureusement la plaine n’offrait aucun abri. Cependant, on reprit courageusement la route de l’est. Plusieurs fois se rencontrèrent d’immenses troupeaux qui, n’ayant pas la force de paître sous cette chaleur accablante, restaient paresseusement étendus. De gardiens, de bergers, pour mieux dire, il n’était pas question. Des chiens habitués à téter les brebis, quand la soif les aiguillonne, surveillaient seuls ces nombreuses agglomérations de vaches, de taureaux et de bœufs. Ces animaux sont d’ailleurs d’humeur douce, et n’ont pas cette horreur instinctive du rouge qui distingue leurs congénères européens.

« Cela vient sans doute de ce qu’ils paissent l’herbe d’une république ! » dit Paganel, enchanté de sa plaisanterie, un peu trop française peut-être.

Vers le milieu de la journée, quelques changements se produisirent dans la Pampa, qui ne pouvaient échapper à des yeux fatigués de sa monotonie. Les graminées devinrent plus rares. Elles firent place à de maigres bardanes, et à des chardons gigantesques hauts de neuf pieds, qui eussent fait le bonheur de tous les ânes de la terre. Des chanares rabougris et autres arbrisseaux épineux d’un vert sombre, plantes chères aux terrains dessé-