Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/155

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dehors. Son maître ne parvenait à le calmer qu’en faisant entendre un sifflement continu.

Glenarvan et Robert s’étaient postés de manière à défendre l’entrée de la ramada. Leurs carabines armées, ils allaient faire feu sur le premier rang des aguaras, quand Thalcave releva de la main leur arme déjà mise en joue.

« Que veut Thalcave ? dit Robert.

— Il nous défend de tirer ! répondit Glenarvan.

— Pourquoi ?

— Peut-être ne juge-t-il pas le moment opportun ! »

Ce n’était pas ce motif qui faisait agir l’Indien, mais une raison plus grave, et Glenarvan la comprit, quand Thalcave, soulevant sa poudrière et la retournant, montra qu’elle était à peu près vide.

« Eh bien ? dit Robert.

— Eh bien, il faut ménager nos munitions. Notre chasse aujourd’hui nous a coûté cher, et nous sommes à court de plomb et de poudre. Il ne nous reste pas vingt coups à tirer ! »

L’enfant ne répondit rien.

« Tu n’as pas peur, Robert ?

— Non, mylord.

— Bien, mon garçon. »

En ce moment, une nouvelle détonation retentit. Thalcave avait jeté à terre un ennemi trop audacieux ; les loups, qui s’avançaient en rangs pressés, reculèrent et se massèrent à cent pas de l’enceinte.

Aussitôt, Glenarvan, sur un signe de l’Indien, prit sa place ; celui-ci, ramassant la litière, les herbes, en un mot toutes les matières combustibles, les entassa à l’entrée de la ramada, et y jeta un charbon encore incandescent. Bientôt un rideau de flammes se tendit sur le fond noir du ciel, et à travers ses déchirures, la plaine se montra vivement éclairée par de grands reflets mobiles. Glenarvan put juger alors de l’innombrable quantité d’animaux auxquels il fallait résister. Jamais tant de loups ne s’étaient vus ensemble, ni si excités par la convoitise. La barrière de feu que venait de leur opposer Thalcave avait redoublé leur colère en les arrêtant net. Quelques-uns, cependant, s’avancèrent jusqu’au brasier même, et s’y brûlèrent les pattes.

De temps à autre, il fallait un nouveau coup de fusil pour arrêter cette horde hurlante, et au bout d’une heure, une quinzaine de cadavres jonchaient déjà la prairie.

Les assiégés se trouvaient alors dans une situation relativement moins dangereuse ; tant que dureraient les munitions, tant que la barrière de