Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/156

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feu se dresserait à l’entrée de la ramada, l’envahissement n’était pas à craindre. Mais après, que faire, quand tous ces moyens de repousser la bande de loups manqueraient à la fois ?

Glenarvan regarda Robert et sentit son cœur se gonfler. Il s’oublia, lui, pour ne songer qu’à ce pauvre enfant qui montrait un courage au-dessus de son âge. Robert était pâle, mais sa main n’abandonnait pas son arme, et il attendait de pied ferme l’assaut des loups irrités.

Cependant Glenarvan, après avoir froidement envisagé la situation, résolut d’en finir.

« Dans une heure, dit-il, nous n’aurons plus ni poudre, ni plomb, ni feu. Eh bien, il ne faut pas attendre à ce moment pour prendre un parti. »

Il retourna donc vers Thalcave, et rassemblant les quelques mots d’espagnol que lui fournit sa mémoire, il commença avec l’Indien une conversation souvent interrompue par les coups de feu.

Ce ne fut pas sans peine que ces deux hommes parvinrent à se comprendre. Glenarvan, fort heureusement, connaissait les mœurs du loup-rouge. Sans cette circonstance, il n’aurait su interpréter les mots et les gestes du patagon.

Néanmoins, un quart d’heure se passa avant qu’il pût transmettre à Robert la réponse de Thalcave. Glenarvan avait interrogé l’Indien sur leur situation presque désespérée.

« Et qu’a-t-il répondu ? demanda Robert Grant.

— Il a dit que, coûte que coûte, il fallait tenir jusqu’au lever du jour. L’aguara ne sort que la nuit, et, le matin venu, il rentre dans son repaire. C’est le loup des ténèbres, une bête lâche qui a peur du grand jour, un hibou à quatre pattes !

— Eh bien, défendons-nous jusqu’au jour !

— Oui, mon garçon, et à coups de couteau, quand nous ne pourrons plus le faire à coups de fusil. »

Déjà Thalcave avait donné l’exemple, et lorsqu’un loup s’approchait du brasier, le long bras armé du Patagon traversait la flamme et en ressortait rouge de sang.

Cependant les moyens de défense allaient manquer. Vers deux heures du matin, Thalcave jetait dans le brasier la dernière brassée de combustible, et il ne restait plus aux assiégés que cinq coups à tirer.

Glenarvan porta autour de lui un regard douloureux.

Il songea à cet enfant qui était là, à ses compagnons, à tous ceux qu’il aimait. Robert ne disait rien. Peut-être le danger n’apparaissait-il pas imminent à sa confiante imagination. Mais Glenarvan y pensait pour