Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/374

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ment de paix, qui sert à abattre les branches ou les têtes, à entailler les corps ou les arbres, suivant le cas.

Toutes ces armes s’agitaient dans des mains frénétiques, au bruit des vociférations ; les combattants se jetaient les uns sur les autres ; ceux-ci tombaient comme morts, ceux-là poussaient le cri du vainqueur. Les femmes, les vieilles principalement, possédées du démon de la guerre, les excitaient au combat, se précipitaient sur les faux cadavres, et les mutilaient en apparence avec une férocité qui, réelle, n’eût pas été plus horrible. À chaque instant, lady Helena craignait que le jeu ne dégénérât en bataille sérieuse. D’ailleurs, les enfants, qui avaient pris part au combat, y allaient franchement. Les petits garçons et les petites filles, plus rageuses surtout, s’administraient des taloches superbes avec un entrain féroce.

Ce combat simulé durait déjà depuis dix minutes, quand soudain les combattants s’arrêtèrent. Les armes tombèrent de leurs mains. Un profond silence succéda au bruyant tumulte. Les indigènes demeurèrent fixes dans leur dernière attitude, comme des personnages de tableaux vivants. On les eût dits pétrifiés.

Quelle était la cause de ce changement, et pourquoi tout d’un coup cette immobilité marmoréenne ? On ne tarda pas à le savoir.

Une bande de kakatoès se déployait en ce moment à la hauteur des gommiers. Ils remplissaient l’air de leurs babillements, et ressemblaient, avec les nuances vigoureuses de leur plumage, à un arc-en-ciel volant. C’était l’apparition de cette éclatante nuée d’oiseaux qui avait interrompu le combat. La chasse, plus utile que la guerre, lui succédait.

Un des indigènes, saisissant un instrument peint en rouge, d’une structure particulière, quitta ses compagnons toujours immobiles, et se dirigea entre les arbres et les buissons vers la bande de kakatoès. Il ne faisait aucun bruit en rampant, il ne frôlait pas une feuille, il ne déplaçait pas un caillou. C’était une ombre qui glissait.

Le sauvage, arrivé à une distance convenable, lança son instrument suivant une ligne horizontale à deux pieds du sol. Cette arme parcourut ainsi un espace de quarante pieds environ ; puis, soudain, sans toucher la terre, elle se releva subitement par un angle droit, monta à cent pieds dans l’air, frappa mortellement une douzaine d’oiseaux, et, décrivant une parabole, revint tomber aux pieds du chasseur.

Glenarvan et ses compagnons étaient stupéfaits ; ils ne pouvaient en croire leurs yeux.

« C’est le « boomerang ! » dit Ayrton.

— Le boomerang ! s’écria Paganel, le boomerang australien. »