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les enfants

vue dans les profondeurs de la vallée. Puis, ils le réaperçurent qui serpentait sur les sentiers de la montagne. L’éloignement rendait fantastique le mouvement ondulé de cette longue et sinueuse colonne.

La tribu s’arrêta à une hauteur de huit cents pieds, c’est-à-dire au sommet du Maunganamu, à l’endroit même préparé pour l’ensevelissement de Kara-Tété.

Un simple Maori n’aurait eu pour tombe qu’un trou et un tas de pierres. Mais, à un chef puissant et redouté, destiné sans doute à une déification prochaine, sa tribu réservait un tombeau digne de ses exploits.

L’Oudoupa avait été entouré de palissades, et des pieux ornés de figures rougies à l’ocre se dressaient près de la fosse où devaient reposer les cadavres. Les parents n’avaient point oublié que le « Waidoua », l’esprit des morts, se nourrit de substances matérielles, comme fait le corps pendant cette périssable vie. C’est pourquoi des vivres avaient été déposés dans l’enceinte, ainsi que les armes et les vêtements du défunt.

Rien ne manquait au confort de la tombe. Les deux époux y furent déposés l’un près de l’autre, puis recouverts de terre et d’herbes, après une nouvelle série de lamentations.

Alors le cortège redescendit silencieusement la montagne, et nul maintenant ne pouvait gravir le Maunganamu sous peine de mort, car il était taboué, comme le Tongariro, où reposent les restes d’un chef écrasé en 1846 par une convulsion du sol zélandais.


CHAPITRE XIII

LES DERNIÈRES HEURES.


Au moment où le soleil disparaissait au delà du lac Taupo, derrière les cimes du Tuhahua et du Puketapu, les captifs furent reconduits à leur prison. Ils ne devaient plus la quitter avant l’heure où les sommets des Wahiti-Ranges s’allumeraient aux premiers feux du jour.

Il leur restait une nuit pour se préparer à mourir. Malgré l’accablement, malgré l’horreur dont ils étaient frappés, ils prirent leur repas en commun.

« Nous n’aurons pas trop de toutes nos forces, avait dit Glenarvan, pour regarder la mort en face. Il faut montrer à ces barbares comment des Européens savent mourir. »