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du capitaine grant.

— D’ailleurs, madame, dit John Mangles, c’est Dieu lui-même qui nous recommande d’espérer. »

John Mangles remit à lady Helena ce feuillet de la Bible, où se lisait le verset sacré. La jeune femme et la jeune fille, l’âme confiante, le cœur ouvert à toutes les interventions du ciel, virent dans ces paroles du livre saint un infaillible présage de salut.

« Maintenant, à l’Oudoupa ! s’écria gaiement Paganel. C’est notre forteresse, notre château, notre salle à manger, notre cabinet de travail ! Personne ne nous y dérangera ! Mesdames, permettez-moi de vous faire les honneurs de cette charmante habitation. »

On suivit l’aimable Paganel. Lorsque les sauvages virent les fugitifs profaner de nouveau cette sépulture tabouée, ils firent éclater de nombreux coups de feu et d’épouvantables hurlements, ceux-ci aussi bruyants que ceux-là. Mais, fort heureusement, les balles ne portèrent pas si loin que les cris, et tombèrent à mi-côte, pendant que les vociférations allaient se perdre dans l’espace.

Lady Helena, Mary Grant et leurs compagnons, tout à fait rassurés en voyant que la superstition des Maoris était encore plus forte que leur colère, entrèrent dans le monument funèbre.

C’était une palissade de pieux peints en rouge, que cet Oudoupa du chef zélandais. Des figures symboliques, un vrai tatouage sur bois, racontaient la noblesse et les hauts faits du défunt. Des chapelets d’amulettes, de coquillages ou de pierres taillées se balançaient d’un poteau à l’autre. À l’intérieur, le sol disparaissait sous un tapis de feuilles vertes. Au centre, une légère extumescence trahissait la tombe fraîchement creusée.

Là, reposaient les armes du chef, ses fusils chargés et amorcés, sa lance, sa superbe hache en jade vert, avec une provision de poudre et de balles suffisante pour les chasses éternelles.

« Voilà tout un arsenal, dit Paganel, dont nous ferons un meilleur emploi que le défunt. Une bonne idée qu’ont ces sauvages d’emporter leurs armes dans l’autre monde !

— Eh ! mais, ce sont des fusils de fabrique anglaise ! dit le major.

— Sans doute, répondit Glenarvan, et c’est une assez sotte coutume de faire cadeau d’armes à feu aux sauvages ! Ils s’en servent ensuite contre les envahisseurs, et ils ont raison. En tout cas, ces fusils pourront nous être utiles !

— Mais ce qui nous sera plus utile encore, dit Paganel, ce sont les vivres et l’eau destinés à Kara-Tété. »

En effet, les parents et les amis du mort avaient bien fait les choses. L’approvisionnement témoignait de leur estime pour les vertus du chef.