Page:Verne - Les Indes noires, 1877.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
quelques phénomènes inexplicables

CHAPITRE VI

quelques phénomènes inexplicables



On sait ce que sont les croyances superstitieuses dans les hautes et basses terres de l’Écosse. En certains clans, les tenanciers du laird, réunis pour la veillée, aiment à redire les contes empruntés au répertoire de la mythologie hyperboréenne. L’instruction, quoique largement et libéralement répandue dans le pays, n’a pas pu réduire encore à l’état de fictions ces légendes, qui semblent inhérentes au sol même de la vieille Calédonie. C’est encore le pays des esprits et des revenants, des lutins et des fées. Là apparaissent toujours le génie malfaisant qui ne s’éloigne que moyennant finances, le « Seer » des Highlanders, qui, par un don de seconde vue, prédit les morts prochaines, le « May Moullach », qui se montre sous la forme d’une jeune fille aux bras velus et prévient les familles des malheurs dont elles sont menacées, la fée « Branshie », qui annonce les événements funestes, les « Brawnies », auxquels est confiée la garde du mobilier domestique, l’ « Urisk », qui fréquente plus particulièrement les gorges sauvages du lac Katrine, — et tant d’autres.

Il va de soi que la population des houillères écossaises devait fournir son contingent de légendes et de fables à ce répertoire mythologique. Si les montagnes des Hautes-Terres sont peuplées d’êtres chimériques, bons ou mauvais, à plus forte raison les sombres houillères devaient-elles être hantées jusque dans leurs dernières profondeurs. Qui fait trembler le gisement pendant les nuits d’orage, qui met sur la trace du filon encore inexploité, qui allume le grisou et préside aux explosions terribles, sinon quelque génie de la mine ? C’était, du moins, l’opinion communément répandue parmi ces superstitieux Écossais. En vérité, la plupart des mineurs croyaient volontiers au fantastique, quand il ne s’agissait que de phénomènes purement physiques, et on eût perdu son temps à vouloir les désabuser. Où la crédulité se fût-elle développée plus librement qu’au fond de ces abîmes ?

Or, les houillères d’Aberfoyle, précisément parce qu’elles étaient exploitées dans le pays des légendes, devaient se prêter plus naturellement à tous les incidents du surnaturel.