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— En quelle partie de la Magellanie sommes-nous échoués ? reprit Harry Rhodes.

— Sur la côte sud-est de l’île Hoste.

— Près du détroit de Magellan ?

— Non. Fort loin, au contraire.

— Diable !… fit Harry Rhodes.

— C’est pourquoi, je vous le répète, tout dépend de l’état du Jonathan. Il faut d’abord s’en rendre compte. Nous prendrons ensuite une décision. »

Suivi du maître Hartlepool, d’Harry Rhodes, d’Halg et de Karroly, le Kaw-djer descendit sur les récifs, et, tous ensemble, ils firent le tour du clipper.

On eut vite acquis la certitude que le Jonathan devait être considéré comme absolument perdu. La coque était crevée en vingt endroits, déchirée sur presque toute la longueur du flanc de tribord, avaries particulièrement irrémédiables quand il s’agit d’un bâtiment en fer. On devait donc renoncer à tout espoir de le remettre à flot et l’abandonner à la mer qui ne tarderait pas à en achever la démolition.

« Selon moi, dit alors le Kaw-djer, il conviendrait de débarquer la cargaison et de la mettre en lieu sûr. Pendant ce temps, on réparerait notre chaloupe qui a subi de sérieuses avaries au moment de l’échouage. Les réparations terminées, Karroly conduirait à Punta-Arenas un des émigrants qui apprendrait le sinistre au gouverneur. Sans aucun doute, celui-ci s’empressera de faire le nécessaire pour vous rapatrier.

— C’est fort sagement dit et pensé, approuva Harry Rhodes.

— Je crois, reprit le Kaw-djer, qu’il serait bon de communiquer ce plan à tous vos compagnons. Pour cela, il faudrait les réunir sur la grève, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. »

On dut attendre assez longtemps le retour des diverses bandes qui s’étaient plus ou moins éloignées dans des directions opposées. Avant neuf heures du matin, cependant, la faim eut ramené tous les émigrants en face du navire échoué. Harry Rhodes, montant sur un quartier de roc en guise de tribune, transmit à ses compagnons la proposition du Kaw-djer.

Elle n’obtint pas un succès absolument unanime. Quelques auditeurs ne parurent pas satisfaits. On entendit des réflexions désobligeantes.