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les tribulations d’un chinois en chine

quatre scaphandres enfoncèrent de façon que leur tête encapuchonnée émergeât seule. Il n’y avait plus qu’à attendre dans un absolu silence, sans faire un mouvement.

La jonque approchait avec rapidité. Ses hautes voiles dessinaient deux larges ombres sur les eaux.

Cinq minutes après, la Sam-Yep n’était plus qu’à un demi-mille. Au-dessus des bastingages, les matelots allaient et venaient. À l’arrière, le capitaine tenait la barre.

Manœuvrait-il pour atteindre les fugitifs ? Ne faisait-il que se maintenir dans le lit du vent ? On ne savait.

Tout à coup, des cris se firent entendre. Une masse d’hommes apparut sur le pont de la Sam-Yep. Les clameurs redoublèrent.

Évidemment, il y avait lutte entre les faux morts, échappés de la cale, et l’équipage de la jonque.

Mais pourquoi cette lutte ? Tous ces coquins, matelots et pirates, n’étaient-ils donc pas d’accord ?

Kin-Fo et ses compagnons entendaient très clairement, d’une part d’horribles vociférations, de l’autre des cris de douleur et de désespoir, qui s’éteignirent en moins de quelques minutes.

Puis, un violent clapotis de l’eau, le long de la jonque, indiqua que des corps étaient jetés à la mer.

Non ! le capitaine Yin et son équipage n’étaient pas les complices des bandits de Lao-Shen ! Ces pauvres gens, au contraire, avaient été surpris et massacrés. Les coquins, qui s’étaient cachés à bord — sans doute avec l’aide des chargeurs de Takou, — n’avaient eu d’autre dessein que de s’emparer de la jonque pour le compte du Taï-ping, et, certainement, ils ignoraient que Kin-Fo eût été passager de la Sam-Yep !

Or, si celui-ci était vu, s’il était pris, ni lui, ni Fry-Craig, ni Soun, n’auraient de pitié à attendre de ces misérables.

La jonque avançait toujours. Elle les atteignit, mais, par une chance inespérée, elle projeta sur eux l’ombre de ses voiles.

Ils plongèrent un instant.

Lorsqu’ils reparurent, la jonque avait passé, sans les voir, et fuyait au milieu d’un rapide sillage.

Un cadavre flottait à l’arrière, et le remous l’approcha peu à peu des scaphandres.