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kin-fo reçoit une lettre en retard.

C’était la voix d’une jeune femme, dont le phonographe répétait les tendres paroles.

« Pauvre petite sœur cadette ! » dit Kin-Fo.

Puis, ouvrant la boîte, il retira de l’appareil le papier, zébré de rainures, qui venait de reproduire toutes les inflexions de la lointaine voix, et le remplaça par un autre.

Le phonographe était alors perfectionné à un point qu’il suffisait de parler à voix haute pour que la membrane fût impressionnée et que le rouleau, mû par un mouvement d’horlogerie, enregistrât les paroles sur le papier de l’appareil.

Kin-Fo parla donc pendant une minute environ. À sa voix, toujours calme, on n’eût pu reconnaître sous quelle impression de joie ou de tristesse il formulait sa pensée.

Trois ou quatre phrases, pas plus, ce fut tout ce que dit Kin-Fo. Cela fait, il suspendit le mouvement du phonographe, retira le papier spécial sur lequel l’aiguille, actionnée par la membrane, avait tracé des rainures obliques, correspondant aux paroles prononcées ; puis, plaçant ce papier dans une enveloppe qu’il cacheta, il écrivit de droite à gauche l’adresse que voici :

« Madame Lé-ou,
« Avenue de Cha-Coua
« Péking. »

Un timbre électrique fit aussitôt accourir celui des domestiques qui était chargé de la correspondance. Ordre lui fut donné de porter immédiatement cette lettre à la poste.

Une heure après, Kin-Fo dormait paisiblement, en pressant dans ses bras son « tchou-fou-jen », sorte d’oreiller de bambou tressé, qui maintient dans les lits chinois une température moyenne, très appréciable sous ces chaudes latitudes.