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ASTRONOMES ET CARTOGRAPHES.

savants, qui fixèrent, au moyen d’observations astronomiques, la position des côtes sur l’Océan et la Méditerranée.

Cependant ces travaux, ceux de Picard complétés par la mesure de la méridienne, les relèvements qui fixaient la latitude et la longitude de certaines grandes villes de France, une carte détaillée des environs de Paris dont les points avaient été déterminés géométriquement, ne suffisaient pas encore pour dresser une carte de France. On fut donc obligé de procéder, comme on l’avait fait pour la méridienne, en couvrant toute l’étendue de la contrée d’un réseau de triangles reliés ensemble. Telle fut la base de la grande carte de France, qui a pris si justement le nom de Cassini.

Les premières observations de Cassini et de La Hire amenèrent ces deux astronomes à resserrer la France dans des limites beaucoup plus étroites que celles qui lui étaient jusqu’alors assignées.

« Ils lui ôtèrent, dit Desborough Cooley dans son Histoire des voyages, plusieurs degrés de longitude le long de la côte occidentale, à partir de la Bretagne jusqu’à la baie de Biscaye, et retranchèrent de la même façon environ un demi-degré sur les côtes du Languedoc et de la Provence. Ces changements furent l’occasion d’une plaisanterie de Louis XIV, qui, complimentant les académiciens à leur retour, leur dit en propres termes : « Je vois avec peine, messieurs, que votre voyage m’a coûté une bonne partie de mon royaume. »

Au reste, les cartographes n’avaient jusqu’alors tenu aucun compte des corrections des astronomes. Au milieu du xviie siècle, Peiresc et Gassendi avaient corrigé sur les cartes de la Méditerranée une différence de « cinq cents » milles de distance entre Marseille et Alexandrie. Cette rectification si importante fut regardée comme non avenue, jusqu’au jour où l’hydrographe Jean-Mathieu de Chazelles, qui avait aidé Cassini dans ses travaux de la méridienne, fut envoyé dans le Levant pour dresser le portulan de la Méditerranée.

« On s’était également aperçu, disent les mémoires de l’Académie des Sciences, que les cartes étendaient trop les continents de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique, et rétrécissaient la grande mer Pacifique entre l’Asie et l’Europe. Aussi ces erreurs causaient-elles de singulières méprises. Les pilotes, se fiant à leurs cartes, dans le voyage de M. de Chaumont, ambassadeur de Louis XIV à Siam, se méprirent dans leur estime, tant en allant qu’en revenant, faisant plus de chemin qu’ils ne jugeaient. En allant du cap de Bonne-Espérance à l’île de Java, ils croyaient être encore éloignés du détroit de la Sonde, quand ils se trouvèrent à plus de soixante lieues au delà, et il fallut reculer deux jours par un vent favorable pour y entrer, et, en revenant du cap de Bonne-Espérance en France,