Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

La Pérouse obtint des Bitchys et des Orotchys des informations analogues à celles qui lui avaient été déjà données. Il en résultait que la pointe septentrionale de Saghalien n’était réunie au continent que par un banc de sable, sur lequel poussaient des herbes marines et où il y avait très peu d’eau. Cette concordance de renseignements ne pouvait lui laisser aucun doute, alors surtout qu’il était arrivé à ne plus trouver que six brasses dans le canal. Il ne lui restait plus qu’un point intéressant à éclaircir : relever l’extrémité méridionale de Saghalien, qu’il ne connaissait que jusqu’à la baie de Langle, par 47° 49’.

Le 2 août, l’Astrolabe et la Boussole quittèrent la baie Castries, redescendirent au sud, découvrirent et reconnurent successivement l’île Monneron et le pic de Langle, doublèrent la pointe méridionale de Saghalien, appelée cap Grillon, et donnèrent dans un détroit entre Oku-Jesso et Jesso, qui a reçu le nom de La Pérouse. C’était là un des points de géographie les plus importants que les navigateurs modernes eussent laissés à leurs successeurs. Jusqu’alors la géographie de ces contrées était absolument fantastique : pour Sanson, la Corée est une île, Jesso et Oku-Jesso et le Kamtschatka n’existent point, pour G. Delisle, Jesso et Oku-Jesso ne sont qu’une île terminée au détroit de Sangaar ; enfin, Buache, dans ses Considérations géographiques, page 105, dit : « Le Jesso, après avoir été transporté à l’orient, attaché au midi, ensuite à l’occident, le fut enfin au nord.... »

C’était, on le voit, un véritable chaos, auquel mettaient fin les travaux de l’expédition française.

La Pérouse eut quelques relations avec les habitants du cap Grillon, qu’il déclare bien plus beaux hommes, bien plus industrieux, mais aussi bien moins généreux que les Orotchys de la baie Castries.

« Ils ont, dit-il, un objet de commerce très important, inconnu dans la manche de Tartarie et dont l’échange leur procure toutes leurs richesses, c’est l’huile de baleine. Ils en récoltent des quantités considérables. Leur manière de l’extraire n’est cependant pas la plus économique ; elle consiste à couper par morceaux la chair des baleines et à la laisser pourrir en plein air sur un talus exposé au soleil. L’huile qui en découle est reçue dans des vases d’écorce ou dans des outres de loup marin. »

Après avoir reconnu le cap d’Aniva des Hollandais, les frégates longèrent la terre de la Compagnie, pays aride, sans arbres et sans habitants, et ne tardèrent pas à apercevoir les Kuriles ; puis ils passèrent entre l’île Marikan et celle des Quatre-Frères, donnant à ce détroit, le plus beau que l’on puisse rencontrer entre les Kuriles, le nom de canal de la Boudeuse.