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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

jeune Mendoçaine se pavaner en portant, en manière de hausse-col, le plat à barbe de fer-blanc rouillé qu’elle avait dérobé au frater du Solide, et un homme porter effrontément la baguette du fusil du capitaine Marchand enfilée dans le trou de son oreille et pendant à son côté. »

Cook affirme qu’ils connaissent le « Kava » des Taïtiens. Ce qu’on peut affirmer, c’est qu’ils donnaient le nom de la plante de poivre à l’eau-de-vie qu’on leur fit boire à bord du Solide. Il faut croire qu’ils ne font pas abus de cette liqueur, car jamais on n’en vit un seul en état d’ivresse.

Les Anglais ne parlent point d’un acte de civilité pratiqué par les habitants de la Madre-de-Dios, dont le capitaine Chanal a cru devoir faire une mention particulière ; il consiste à offrir à son ami le morceau qu’on a mâché afin qu’il n’ait plus que la peine de l’avaler. On juge bien que, si sensibles que fussent les Français à cette marque distinguée de bienveillance et d’amitié des naturels, ils étaient trop discrets pour abuser à ce point de leur complaisance.

Une autre observation très curieuse qu’on doit à Marchand, c’est que leurs cases, établies sur des plates-formes de pierre, et les échasses dont ils se servent, indiquent que Santa-Christina est exposée à des inondations. On a pu voir une de ces échasses, très bien travaillée et sculptée, à l’exposition du Trocadéro, et l’on doit à M. Наmу, dont la compétence pour tout ce qui touche aux choses de l’Océanie est bien connue, une très intéressante dissertation sur ce curieux objet.

« La principale occupation des naturels de Santa-Christina, après la pêche, la fabrication accidentelle de leurs armes, de leurs pirogues et des ustensiles à l’usage de l’habitation, est de chanter, de danser, de s’amuser. L’expression vulgaire de « tuer le temps » semble avoir été créée pour rendre sensible la nullité des actions qui partagent le cercle de leur vie. »

Pendant les premiers jours de sa relâche dans la baie de la Madre-de-Dios, Marchand avait fait une remarque qui le conduisit la découverte d’un groupe d’îles, dont les anciens navigateurs et Cook lui-même n’avaient pas eu connaissance. Au coucher du soleil, par un temps des plus clairs, il avait observé à l’horizon une tache fixe qui présentait l’apparence d’un pic élevé, et, cette observation, il avait pu la renouveler plusieurs jours. On ne pouvait douter que ce ne fût une terre, et, comme les cartes n’en indiquaient aucune dans cette direction, ce ne pouvait être qu’une île inconnue.

En quittant Santa-Christina le 20 juin, Marchand résolut de s’en assurer. Il eut la satisfaction de découvrir dans le nord-ouest, par sept degrés de latitude sud, un groupe de petites îles dont la plus importante reçut son nom. Les habi-