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LES EXPLORATEURS DE L’AFRIQUE.

par la ténacité du voyageur, et, au mois de juin 1768, Bruce quitte le ciel embrumé de l’Angleterre pour les paysages ensoleillés des bords de la Méditerranée.

À la hâte, et pour se faire la main, Bruce parcourt successivement quelques îles de l’Archipel, la Syrie et l’Égypte. Parti de Djedda, le voyageur anglais visite Moka, Loheia, et débarque à Massouah, le 19 septembre 1769. Il avait eu soin de se munir d’un firman du sultan, de lettres du bey du Caire et du shérif de la Mecque. Bien lui en avait pris, car le « nayb » ou gouverneur de cette île fit tous ses efforts pour l’empêcher d’entrer en Abyssinie et pour tirer de lui de gros présents.

Les missionnaires portugais avaient autrefois exploré l’Abyssinie. Grâce à leur zèle, on possédait déjà quelques notions sur ce pays, mais elles étaient loin d’égaler en exactitude celles que Bruce allait recueillir. Bien qu’on ait souvent mis en doute sa véracité, les voyageurs qui l’ont suivi dans les pays qu’il avait visités, ont rendu justice à la sûreté de ses informations.

De Massouah à Adowa, la route monte graduellement et escalade les montagnes qui séparent le Tigré des côtes de la mer Rouge.

Adowa n’était point autrefois la capitale du Tigré. On y avait établi une manufacture de ces grosses toiles de coton, qui circulent dans toute l’Abyssinie et servent de monnaie courante. Dans les environs, le sol est assez profond pour qu’on cultive le blé.

« On a, dans ces contrées, dit Bruce, trois récoltes par an. Les premières semailles se font en juillet et en août. Les pluies tombent alors en abondance ; malgré cela, on sème le froment, le tocusso, le teff et l’orge. Vers le 20 de novembre, ils commencent à recueillir l’orge, puis le froment et ensuite le tocusso. Soudain, ils sèment de nouveau, à la place de tous ces grains, et sans aucune préparation, de l’orge, qu’ils recueillent en février, puis ils sèment, pour la troisième fois, du teff, et, plus souvent encore, une espèce de pois, appelé shimbra, et l’on en fait la récolte avant les premières pluies d’avril. Mais malgré l’avantage de cette triple récolte, qui ne coûte ni engrais ni sarclage et qui n’oblige pas à laisser les terres en jachère, les cultivateurs abyssiniens sont toujours fort pauvres. »

À Fremona, non loin d’Adowa, sont situés les restes d’un couvent de jésuites, qui ressemble bien plutôt à un fort qu’à l’habitation d’hommes de paix. À deux journées de marche plus loin, on rencontre les ruines d’Axoum, l’ancienne capitale de l’Abyssinie.

« Dans une grande place, que je crois avoir été le centre de la ville, dit