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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

nuellement de toute sa force : — Voyez le buffle ! le fils d’un buffle ! le taureau des taureaux ! l’éléphant d’une force extraordinaire ! le puissant sultan Abd-el-Raschman-el-Raschid ! Que Dieu protège ta vie, ô maître ! Que Dieu t’assiste et te rende victorieux ! »

Le sultan promit justice à Browne et remit son affaire entre les mains d’un des meleks. Cependant, on ne lui rendit que le sixième de ce qui lui avait été volé.

Le voyageur n’était entré dans le Darfour que pour le traverser ; il s’aperçut qu’il ne lui serait pas facile de le quitter et qu’il fallait, en tout cas, renoncer à pousser plus loin son exploration.

« Le 11 décembre 1795, c’est-à-dire après trois mois de séjour, j’accompagnai, dit Browne, le chatib (un des premiers personnages de l’empire) à l’audience du sultan. Je lui répétai succinctement ce que j’avais demandé ; le chatib seconda mes sollicitations, mais non pas avec tout le zèle que j’aurais désiré. Le sultan ne fit pas la moindre réponse à la demande que je lui faisais de me laisser poursuivre mon voyage ; et ce despote inique, qui avait reçu de moi pour sept cent cinquante piastres de marchandises, ne consentit à me donner que vingt bœufs maigres qu’il estimait cent vingt piastres ! Le triste état de mes finances ne me permit pas de refuser cet injuste payement. Je le pris et je dis adieu à El-Fascher, dans l’espoir de n’y plus retourner, a

Ce ne fut qu’au printemps de 1796 que Browne put quitter le Darfour ; il se joignit à la caravane qui rentrait en Égypte.

La ville de Cobbé, bien qu’elle ne soit pas la résidence des marchands, doit être considérée comme la capitale du Darfour. Elle a plus de deux milles de longueur, mais elle est très étroite. Chaque maison est placée au milieu d’un champ entouré de palissades, entre chacune desquelles se trouve un terrain en friche.

La plaine où s’élève la ville s’étend à l’ouest et au sud-ouest jusqu’à vingt milles de distance. Presque tous les habitants sont des marchands qui font le commerce d’Égypte. Le nombre des habitants peut s’élever à six mille, encore y compte-t-on beaucoup plus d’esclaves que de personnes libres. La population totale du Darfour ne doit pas dépasser deux cent mille individus ; mais Browne ne put arriver à cette évaluation que d’après le nombre des recrues levées pour la guerre contre le Kordofan.

 » Les habitants du Darfour, dit la relation, sont de différente origine. Les uns viennent des bords du Nil, les autres sortent des contrées occidentales ; ils sont ou foukkaras (prêtres) ou adonnés au commerce. Il y a beaucoup d’Arabes,