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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

— et quelques-unes sont à deux étages, ce qui est contraire à la mode générale. L’ambassade y vit fonctionner ces brouettes à voiles dont l’existence parut longtemps fabuleuse. Ce sont de doubles brouettes de roseau, qui ont une grande roue entre elles.

« Quand il n’y a point assez de vent pour faire marcher la charrette, dit la relation, un homme, qui y est véritablement attelé, la tire en avant, tandis qu’un autre la tient en équilibre et la pousse par derrière. Lorsque le vent est favorable, la voile rend inutile le travail de l’homme qui est en avant. Cette voile consiste en une natte attachée à deux bâtons plantés sur les deux côtés de la charrette. »

Les bords du Peï-Ho sont, en quelques endroits, revêtus de parapets de granit pour parer aux débordements, et l’on rencontre, de loin en loin, des digues en granit, pourvues d’une écluse qui permet d’arroser les champs placés en contre-bas.

Bien que toute cette contrée parût admirablement bien cultivée, elle était souvent ravagée par des famines survenues à la suite d’inondations, ou produites par les ravages des sauterelles.

Jusqu’alors l’ambassade avait navigué au milieu de l’immense plaine d’alluvion du Pe-tche-Li. Ce ne fut que le quatrième jour après la sortie de Tien-Tsing, qu’on aperçut à l’horizon la ligne bleue des montagnes. On approchait de Pékin. Le 6 août 1793, les yachts jetèrent l’ancre à deux milles de cette capitale et à un demi-mille de Tong-chou-Fou.

Il fallait débarquer pour déposer au palais, appelé Jardin de verdure perpétuelle, les présents qui ne pouvaient être transportés, sans danger, à Zhé-Hol. La curiosité des habitants de Tong-chou-Fou, déjà si vivement surexcitée par la vue des Anglais, fut portée à son comble par l’apparition d’un domestique nègre.

« Sa peau, sa couleur de jais, sa tête laineuse, les traits particuliers à son espèce, étaient absolument nouveaux pour cette partie de la Chine. On ne se rappelait pas d’y avoir vu rien de semblable. Quelques-uns des spectateurs doutaient qu’un tel être appartînt à la race humaine, et les enfants criaient que c’était un diable noir, fanquée. Mais son air de bonne humeur les réconcilia bientôt avec sa figure, et ils continuèrent à le regarder sans crainte et sans déplaisir. »

Une des choses qui surprirent le plus les Anglais fut de voir sur un mur le dessin d’une éclipse de lune qui devait avoir lieu dans quelques jours. Ils constatèrent également que l’argent était une marchandise pour les Chinois, car ceux-ci n’ont pas de monnaie frappée et se servent de lingots qui ne portent qu’un seul caractère